Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
BLOG LITTERAIRE
30 juin 2016

LE BALAI INNOMMABLE

LE BALAI INNOMMABLE

 

Notes drolatiques et paraphrases sur la deuxième partie de la scène 3 de l'acte I (l'épisode du balai) de la pièce « Ubu roi », d'Alfred Jarry.

 

« PERE UBU

Eh ! me crois-tu empereur d'Orient pour faire de telles dépenses ?

 

MERE UBU

Ne l'écoutez pas, il est imbécile.

 

PERE UBU

Ah ! je vais aiguiser mes dents contre vos mollets.

 

MERE UBU

Dîne plutôt, Père Ubu. Voilà de la polonaise.

 

PERE UBU

Bougre, que c'est mauvais.

 

CAPITAINE BORDURE

Ce n'est pas bon, en effet.

 

MERE UBU.

Tas d'Arabes, que vous faut-il ?

 

PERE UBU, se frappant le front

Oh ! j'ai une idée. Je vais revenir tout à l'heure.

Il s'en va.

 

MERE UBU

Messieurs, nous allons goûter du veau.

 

CAPITAINE BORDURE

Il est très bon, j'ai fini.

 

MERE UBU

Aux croupions, maintenant.

 

CAPITAINE BORDURE

Exquis, exquis ! Vive la Mère Ubu !

 

TOUS.

Vive la Mère Ubu !

 

PERE UBU, rentrant.

Et vous allez bientôt crier vive le Père Ubu.

Il tient un balai innommable à la main et le lance sur le festin.

 

MERE UBU

Misérable, que fais-tu ?

 

PERE UBU

Goûtez-un peu.

Plusieurs goûtent et tombent empoisonnés.

 

PERE UBU

Mère Ubu, passe-moi les côtelettes de rastron, que je serve.

 

MERE UBU

Les voici.

 

PERE UBU

A la porte tout le monde ! Capitaine Bordure, j'ai à vous parler.

 

LES AUTRES

Eh ! nous n'avons pas dîné !

 

PERE UBU

Comment, vous n'avez pas dîné ! A la porte, tout le monde ! Restez, Bordure.

Personne ne bouge.

 

PERE UBU

Vous n'êtes pas partis ? De par ma chandelle verte, je vais vous assommer de côtes de rastron.

Il commence à en jeter.

 

TOUS

Oh ! Aïe! Au secours ! Défendons-nous ! malheur ! je suis mort !

 

PERE UBU

Merdre, merdre, merdre. A la porte, je fais mon effet.

 

TOUS

Sauve qui peut ! Misérable Père Ubu ! traître et gueux voyou !

 

PERE UBU

Ah ! les voilà partis. Je respire, mais j'ai fort mal dîné. Venez, Bordure.

Ils sortent avec la Mère Ubu. »

 

(Alfred Jarry, « Ubu roi », I, 3)

 

1.

Donc les Ubus avec une idée derière reçoive à manger Bordure et ses partisans que Père Ubu i grince déjà qu'ça va lui coûté cher ce menu là.

 

2.

Qu'le Père Ubu grince ça lui fait jacter à Mère Ubu que faut pas qu'les invités l'écoutent grincer car « il est imbécile ».

 

3.

D'se faire tréter d'imbécile énerve Père Ubu, i dit il va « aiguiser ses dents contre [ses] mollets » a la Mère Ubu (i doi bavé bouledogue).

 

4.

Le Père Ubu, il a l'anthropophagie quelque part c't'homme qu'il veut mordre ainsi dans ses vivants.

 

5.

Car il veut lui croquer les mollets, la Mère Ubu donne au Père Ubu de la « polonaise » qu'c'est, d'après la «Classique Larousse », un gâteau.

 

M'étone qu'ça soit une « brioche » que sert la Mère Ubu en début de repas surtout qu'en débitan le menu elle a parlé de « soupe polonaise ».

 

Est-ce que la Classique Larousse insinuerait que la brioche polonaise c'est rien qu'un étouffe-chrétien ?

 

Je dis étouffe-chrétien passque d'la « brioche meringuée fourrée à la crème pâtissière et aux fruits confits » ça pourrait paraître bourru.

 

Mais à mon avis c'est pas d'la brioche qu'elle sert la Mère Ubu car vu qu'on est au début du repas, la soupe semble plus logique.

 

Ou alors, elle s'en moque la Mère Ubu qu'elle balance à Ubu et aux invités de la brioche avant la soupe et d'la charrue avant les bœufs.

 

Et puis d'la brioche à meringue avec crème pâtissière et fruits confits ça doit être bon non moi j'y goûterais bien à cette polonaise là.

 

Que donc je tire la langue à la Classique Larousse que si ça s'trouve c'est elle qui m'tire la langue et c't'un exploit vu qu'c'est un livre.

 

Qu'si ça s'trouve ça fait des lustres que les comédiens font semblant d'manger d'la brioche car la soupe sur scène c'est pas balançable.

 

La Classique Larousse peut-être a m'tire la langue que chu ignorant et qu'c'est bien d'la brioche que ah zut ça me gave c't'histoire.

 

6.

Tout cas, brioche ou pas, ni Père Ubu ni Capitaine Bordure (et ses partisans) trouvent ça bon qu'ils trouvent ça mauvais.

 

7.

Du coup d'la fine bouche Mère Ubu en devient politiquement incorrecte et les insulte raciste que c'est pas beau qu'il faut pas le faire.

 

8.

Tout à coup, Père Ubu s'a frappé le front car lui est tombée une idée dans la crémerie et qu'il va revenir tout à l'heure.

 

9.

Bon, les convives mangent du veau et ils sont contents ; ils mangent des croupions et ils sont contents (ils crient « Vive la Mère Ubu ! »).

 

10.

Après Père Ubu est revenu avec à la main ce que la didascalie nomme un « balai innommable » (ça veut dire qu'on peut pas lui donner de nom).

 

11.

La Didascalie c'est la dame italique qui dit aux lecteurs qui peuvent pas savoir (surtout s'ils sont malvoyants) ce qu'on voit sur la scène.

 

12.

« Le Balai innommable » ça s'rait un bon titre pour une épouvante qui raconterait l'histoire d'un balai d'l'horreur tombé des ténèbres.

 

« Le Balai innommable » i balaierait tout sur son passage en poussant des grands VLOUFFF et il aurait le crin tout hérissé et la torve goule.

 

Des pineups s'enfuieraient en poussant des cris aigus et un coboye solitaire dompterait l'balai maudit avant d'en faire des allumettes.

 

13.

En fait ce « balai innommable » est certainement un balai à chiottes et c'est pour ça qu'il est innommable c'est parce que ça se dit pas.

 

14.

Père Ubu i donne un grand coup de balai innommable parce qu'il en donne à goûter à plusieurs gens qui s'en trouvurent mourus empoisonus.

 

15.

Là-dessus Père Ubu a demandu à Mère Ubu qu'elle lui passa « les côtelettes de rastron » qu'ça n'existe pas tellement c'est pas mangeable.

 

16.

Mère Ubu, peu émue des mourus soudains, elle passe les côtelettes de rastron à Père Ubu qui veut rester en tête-à-tête avec Bordure (pour lui parler).

 

17.

Comme i veut parler qu'au Capitaine Bordure, Père Ubu engueule tout le monde pour qu'ils sortent tous mais eux i s'remuent pas, ils restent.

 

18.

Là, le Ubu engoule très fort, mais les partisans ne bougeant pas, i s'met à jeter sur eux les côtes de rastron pour leur faire mal et fuir.

 

Les « côtes de rastron » c'est tellement pas mangeable que c'en est jetable ; et du coup, Père Ubu s'en sert comme assommoirs.

 

19.

Tous (sauf Bordure) crient aïe et au secours au « traître et gueux voyou » (c'est le Père Ubu) qu'ils sont morts et qu'ils décampent.

 

Notons que la portée politique de ce passage est manifeste : Mère Ubu est plébiscitée car elle donne correctement à manger aux gens ; Père Ubu est hué car il leur donne à manger de la ; c'est ainsi que la santé des régimes dépend du contentement des estomacs.

 

20.

La fuite des partisans de Bordure a contentu Père Ubu que donc les v'là sortus, Père et Mère Ubu et l'Captain Bordure Quoi qui va s'passer ?

 

21.

Quoi qui va s'passer, j'sais pas trop mais vu qu'la pièce s'appelle « Ubu roi », doit avoir planant dans l'air du régicide fourbe ricanant.

 

Patrice Houzeau

Hondeghem, le 30 juin 2016.

Publicité
Publicité
Commentaires
BLOG LITTERAIRE
Publicité
Archives
Albums Photos
Publicité