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BLOG LITTERAIRE
2 juillet 2016

EXERGUES ET SONS DE BASSE

EXERGUES ET SONS DE BASSE

« Ailleurs, les tripiers traversent la tuerie en portant à bout de bras d'énormes choses molles »
(Maurice Talmeyr, « La Cité du sang »)

1.
Ce n'est pas la Nature qui a horreur du vide, c'est la conscience qui remplit l'espace du temps que depuis tout est si loin.

2.
Des fois j'chanterais bien à tue-tête dans ma décapotable si j'avais une décapotable et si j'avais une tête.

3.
« Je suis d'un autre temps » dit l'autre, puis la pointeuse l'avala.

4.
Y a des gens des fois, sûr que chaque jour i s'disent qu'ils doivent se mettre en route avec tout leur courage, et leur peur.

5.
« Ma foi ! que ça te plaise, ou que ça te courrouce,
c'est toi que j'aime, ô ma belle tripière rousse !
 Tu fais si bien, assise à ton petit comptoir ! -
Oh que ne suis-je pas un garçon d'abattoir,
bras nus, en gros sabots, et du sang à mes fripes ! -
Je pourrais t'embrasser en t'apportant des tripes ;
et pour toi, je serais un enjôleur si neuf
qu'un jour tu me dirais entre deux cœurs de bœuf :
- « Je suis honnête, mais je ne suis pas de pierre ! »
Et nous nous aimerions, ô ma belle tripière ! »

(Maurice Rollinat, « Ma foi ! que ça te plaise... » in « Dixains réalistes », XXXIX)
 
6.
« Ma foi ! Que ça te plaise, ou que ça te courrouce,
c'est toi que j'aime, ô ma belle tripière rousse ! »
(Maurice Rollinat)

Y en a i tombent amoureux d'une tripière rousse que tripière déjà c't'un vieux mot et que rousse dans le tableau ça flashe.

7.
« c'est toi que j'aime, ô ma belle tripière rousse !
Tu fais si bien, assise à ton petit comptoir ! - »
(Maurice Rollinat)

Que je l'vois bien moi l'tableau parisien avec du gris du bleu du bœuf et la frimousse rousse d'la mutine tripière au comptoir.

8.
Dehors, il pleut ; dedans, ça saigne… Oh les amours malheureuses des poètes anémiés pour les belles tripières !

9.
Tripière, boulangère, crémière, poissonnière, femmes nourricières, pour vous tant bat mon cœur qu'on dirait qu'il ouvre la bouche.

10.
« Oh que ne suis-je pas un garçon d'abattoir,
bras nus, en gros sabots, et du sang à mes fripes ! - »
(Maurice Rollinat)

Amoureux d'sa tripière, l'narrateur se rêve « garçon d'abattoir », costaud, très travailleur, et le « sang à [ses] fripes pour le prouver ».

11.
« Je pourrais t'embrasser en t'apportant des tripes »
(Maurice Rollinat)

Ah ça y a des turbins on peut pas toujours s'balader avec des fleurs, que des fois c'est du boudin qu'on a sur les bras.

Oh moi, c'est une poissonnière que j'embrasserais parmi les gueules ouvertes des poissons et les queues roses des crevettes.

12.
« et pour toi, je serais un enjôleur si neuf
qu'un jour tu me dirais entre deux cœurs de bœuf »
(Maurice Rollinat)

Sûr qu'un poète en garçon d'abattoir, ça semble inédit, on peut croire (quoique si ça s'trouve, dans la beat generation, hein…)

Oh moi aussi je rêve d'une jolie bouche qui me dirait des choses tendres entre deux cœurs de bœuf et quelques têtes de veau.

13.
- « Je suis honnête, mais je ne suis pas de pierre ! »
Et nous nous aimerions, ô ma belle tripière ! »
(Maurice Rollinat)

Comme la fille peinte dit qu'elle n'était pas de pierre comme les statues, elle lui parlait dans la tête. Il en resta au conditionnel.

Y en a des fois i sont devant le réel comme s'ils étaient frappés du syndrome de Stendhal.

Qu'le syndrome de Stendhal c'est quand la peinture s'ouvre et qu'on s'affole parmi des figures abstraites à drôles d'yeux.

14.
Sans doute, jadis, en nos enfances, avons-nous été frappés par le sort d'une phrase anodine et qui pourtant.

15.
Sans doute ce manque que nous avons de l'autre nous vient-il, nous vient-il, nous vient-il de je ne sais pas.

16.
Sans doute aurai-je composé les exergues de livres qui n'existent pas, et toute une bibliothèque savez.

17.
Sans doute m'effondrerai-je le sifflet coupé par le tranchant de l'air et les yeux tournés vers la langue de bœuf du réel.

18.
« Barbare humanité, qui m'arrache à moi-même,
Et feint de la douceur pour m'ôter ce que j'aime ! »
(Corneille, « Médée », vers 497-98 [Médée])

Pas douteux qu'on bricole dans l'oxymore et l'dilemme, la « barbarie à visage humain » comme dit l'autre, la géométrie à mâchoires.

Le grand style, ça vous avait du visage, une aut' gueule au réel tout pourri quand même, que nous on mâche grisâtre pâte à langue de bois.

19.
Y a des gens, on croit qu'on les écoute, mais on les écoute pas et puis après on croit qu'on leur répond, mais on leur répond pas, et on appelle cela « communication ».

Y a des gens on croit qu'on les aime, mais on les aime pas et puis d'autres on croit qu'on les aime pas, mais on les aime pas.

20.
Parfois, il me semble que m'accompagne quelque son grave de violoncelle, de contrebasse – turlututu.

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 2 juillet 2016.

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