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BLOG LITTERAIRE
12 octobre 2016

UN SAC DE BILLES NOS POMMES

UN SAC DE BILLES NOS POMMES

1.
« Oh ! que tout m'est accidentel !
Oh ! j'ai-t-y l'âme perpétuelle !… »
(Laforgue, « Complainte des crépuscules célibataires »)

Des fois on s'dit ah bin c'est pas de chance ou bien que tout arrive comme tombé du hasard qui plane là-haut (i nous voit pas).

Qui plane et qui fait comme il veut et quand je dis faire, faut dire que parfois, le hasard est bien emmerdant.

Vous y croyez vous qu'y a des « âmes perpétuelles » qui continuent à traîner les rues comme vous fîtes de vot' vivant ?

2.
« Ô lointains balafrés de bleuâtres éclairs »
(Jules Laforgue, « Le Concile féerique »)

Ecoutez voir comme elles vous rythment le ternaire, les séquences [fr] et [tr] ! C'est le ciel aux petits oignons d'orage, un vers du tonnerre !

3.
Parfois, c'est comme si le gars debout dans l'entr'ouvert de la porte et qui vous regarde de ma caboche, l'était juste un peu décalé.

4.
Des fois y a des mômes ils ont du triste plein les yeux comme s'ils portaient déjà des choses mortes dans leur tête.

5.
« L'Archet qui sur nos nerfs pince ses tristes gammes »
(Laforgue, « Sieste éternelle »)

Qu'on dirait du quatuor à cordes dans un lent paysage à feuilles mortes qui se décompose sourdement.

6.
« Aux refrains automnals d'un vieil orgue éreinté »
(Laforgue, « Hue, carcan ! »)

Le genre de vers qui m'évoque l'aigre turlututu turlutiti de quelque limonaire dans un vieux film, du passé en noir et blanc.

7.
Le problème est que le temps passe. Ah si le temps ne passait plus, comme nous pourrions bah nous ne serions que des dieux suspendus.

Et si, suspendus à nos lèvres, les dieux attendaient que nous prononcions leurs noms pour ne pas plus exister que si nous n'avions rien dit.

8.
Jules LAFORGUE :

« A UN CRÂNE QUI N'AVAIT PLUS SA MÂCHOIRE INFERIEURE

"Mon frère ! - où vivais-tu ? dans quel siècle ? Comment ?
Que vécut le cerveau qui fut dans cette boîte ?
L'infini ? la folie ? ou la pensée étroite
Qui fait qu'on passe et meurt sans étonnement ?

Chacun presque, c'est vrai, suit tout fatalement,
Sans rêver au-delà du cercle qu'il exploite.
L'ornière de l'instinct si connue et si droite,
Tu la suivis aussi, - jusqu'au dernier moment.

 Ah ! ce moment est tout ! C'est l'heure solennelle
Où, dans un bond suprême et hagard, tu partis
Les yeux grand éblouis des lointains paradis !

Oh ! ta vie est bien peu, va ! si noire fut-elle !
Frère, tu crus monter dans la Fête éternelle,
Et qui peut réveiller tes atomes trahis ?"

(Jules Laforgue)

9.
« Mon frère ! - où vivais-tu ? dans quel siècle ? Comment ?
Que vécut le cerveau qui fut dans cette boîte ? »
(Jules Laforgue, « A un crâne qui n'avait plus sa mâchoire inférieure »)

Déjà le narrateur s'adresse à un crâne qu'il pourrait trouver mieux car s'il croit qu'c'est l'os qui va lui répondre il peut toujours courir.

Quand on dit qu'on peut toujours courir, c'est pas qu'on peut toujours courir qu'à force on risque d'être fatigué voire même mort cardiaque.

D'ailleurs, où il l'a trouvé, l'aut' à Laforgue, ce crâne hein il doit être dans une faculté de médecine qu'il philosophe au lieu d'étudier.

On voit que le narrateur philosophe qu'il l'appelle son « frère », ce crâne, comme si les morts étaient nos frères faut être fou fieffé philosophe qu'les morts c'est les morts et pis c'est tout.

10.
« L'infini ? la folie ? ou la pensée étroite
Qui fait qu'on passe et meurt sans étonnement ? »
(Laforgue)

Sérieux, je me demande à quoi ça sert d'interroger les crânes comme ça et à quoi ça sert d'écrire qu'on interroge des crânes comme ça et à quoi ça sert d'écrire des trucs sur ceux qui interrogent des crânes comme ça puisque, franchement, le jour où nous-même on sera plus qu'not' crâne, personne ne viendra nous interroger comme ça.

Ou alors le fantôme à Laforgue, mais j'y crois pas.

Si ça se trouve, c'est pas le crâne qu'il questionne mais lui-même qu'à force de penser des trucs comme ça je vais attraper mal à la tête.

Et si c'est lui-même vu qu'il cause (même qu'il écrit avec les mots qu'il cause) c'est le langage qu'il questionne, la langue du crâne non.

Après on a le choix : « l'infini » (c'est long), « la folie » (c'est pas pratique) ou la « pensée étroite » (ça court les rues).

Quand on pense pas trop on s'étonne de pas trop puis qu'on est mort qu'on s'en rend pas trop compte et les autres pas trop.

L'infini ça effare surtout les « œil bleu » comme dans le poème à Rimbaud où il écrit : « Et l'infini terrible effara ton œil bleu ».

Quant à la folie des fois c'est quand on en arrive à parler à des crânes voire à son crâne pis qu'on l'appelle « mon frère », ah l'vieil os.

11.
« Chacun presque, c'est vrai, suit tout fatalement,
Sans rêver au-delà du cercle qu'il exploite. »
(Laforgue)

Qu'on « suit tout fatalement » c'est fatal, que si on suivait pas, on n'y arriverait pas à passer tous ces fatals là qu'on appelle la vie.

« au-delà du cercle qu'il exploite » écrit Laforgue que l'exploitation du cercle, c'est la géométrie que c'est pour ça qu'il y eut un illustre qui a dit « Que nul n'entre ici s'il n'est géomètre » que sinon on peut pas faire partie du cercle des exploitants du cercle.

12.
« L'ornière de l'instinct si connue et si droite,
Tu la suivis aussi, - jusqu'au dernier moment. »
(Laforgue)

Qu'on est comme de l'animal alors tout instinctif dans le connu et le tout droit sinon on s'paume dans l'humain et le quasimodesque.

Le crâne c'est comme un chien, ça vous suit jusqu'au dernier moment, et comme un chien des fois ça fugue qu'vous en avez des absences.

13.
« Ah ! ce moment est tout ! C'est l'heure solennelle
Où, dans un bond suprême et hagard, tu partis »
(Laforgue)
 
Puis le narrateur dit que « ce moment est tout » il veut parler de l'heure de sa mort à nous tous qu'ça fait beaucoup de ah ce moment est tout !

Bon, on passe son temps à courir après des moments qui seraient tout que le seul qui soit vraiment « tout » c'est quand tout est fatal fini.

Que ce moment soit « tout », c'est genre point ultime, « suprême », « heure solennelle » écrit le narrateur que ça fait un peu curé quand même.

J'avais envie avec la solennelle là d'écrire « le tarte narrateur » mais en fin de compte c'est idiot je trouve.

14.
« Où, dans un bond suprême et hagard, tu partis
Les yeux grand éblouis des lointains paradis ! »
(Laforgue)

Je sais pas si quand on meurt on part « les yeux grand éblouis des lointains paradis » genre qu'on mourrait dans un flash de je-n'sais-quoi.

Qu'à mon avis on doit partir dans un grand renfrognement plus ou moins douloureux de tout son être.

Qu'on doit partir comme si Dieu nous chiffonnait et nous fichait dans la noire poubelle du noir néant.

15.
« Oh ! ta vie est bien peu, va ! si noire fut-elle ! »
(Laforgue)

Avez-vous remarqué que plus on est, moins on compte et que d'plus en plus, notre vie est « bien peu » ?

Je n'aime pas les politiques, ce ne sont guère que les administrateurs du « bien peu », les gérants du surnombre.

Et d'administration débile en gérance douteuse, voilà que nos chers politiques nous ont amené l'extrême-droite aux portes du pouvoir.

Je n'aime pas grand monde, et je me rends de plus en plus compte que je me dois surtout à moi-même, - « Solidarité » ? vieil os !

Les vies « noires » que parfois il me semble que le passé n'est jamais qu'un agrégat de vies noires d'où n'émerge que bien peu de lumière.

16.
« Frère, tu crus monter dans la Fête éternelle,
Et qui peut réveiller tes atomes trahis ? »
(Laforgue)

On est souvent franchement que dans le « t'as qu'à croire » qu'en fin de compte, la fête nous passe sous le nez que moi j'en veux pas.

Le poète finit son sonnet par l'expression « atomes trahis » qu'le fatal, c'est la déception qu'on a d'piger que tout est rien, rien du tout.

Qu'l'humain, c'est du trahi par l'infini, c'est pas douteux qu'on en a peut-être des fois je sais pas du malaise non dans la conscience.

Un sac de billes nos pommes que la môme Zut paume dans le néant qu'ça roule et s'perd partout où elle passe là l'air de rien en chantonnant.

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 12 octobre 2016.

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