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BLOG LITTERAIRE
21 février 2017

ENTRECROASSEMENTS

ENTRECROASSEMENTS
En feuilletant l' « Anthologie de l'humour noir », d'André Breton.

1.
« - Messieurs, je vous l'ai dit, je n'ai pas toujours vu mon aigle. »
(André Gide, « Le Prométhée mal enchaîné »)

Ah ça « je n'ai pas toujours vu mon aigle »
et j'ai longtemps entrecroassé des aphorismes
avec une compagnie de corbeaux.

Des fois on s'ennuie et puis son aigle – celui que les politiques prennent pour du poulet - est parti jouer ailleurs à Bonaparte.

Des fois on s'ennuie mais moi ouf ça dure pas que vite j'ai la Zut qui me ramène sa langue ; alors me viennent comme des envies de foudre.

2.
« Dans la salle des Nouvelles Lunes, à huit heures précises, la foule entra. »
(André Gide, « Le Prométhée mal enchaîné »)

Dans la salle des nouvelles lunes
j'ai vu des vieilles barbes tant tant de vieilles barbes
que des ciseaux me sont poussés dedans la main

3.
« Avez-vous jamais vu un chat lumineux bondir par les ténèbres de la nuit ? »
(Alphonse Allais, « Plaisir d'été »)

Alors par les ténèbres de la nuit
le chat lumineux bondit
sautant sur la souris grise qui se faufile
par les fêlures du masque à moustaches.

4.
« On peut marcher sans tête » écrit Xavier Forneret, ce qui curieusement revient parfois à s'entêter.

5.
« Je possède un curieux animal, moitié agneau, moitié chat. C'est un héritage de mon père. »
(Franz Kafka traduit par Henri Parisot, « Un divertissement »)

« Je possède » : Ce présent de narration vaut présent de vérité générale si l'on considère qu'il n'est de « je » sans possession.
Mais si ça se trouve toute possession n'est que l'illusion du présent, son alibi.

« un curieux animal » : moi-même (cette fichue manie de parler de soi quand même !)

« moitié agneau, moitié chat » : drôle d'hybride en effet que ce moitié ovin, moitié félin, la douceur et le petit prédateur.

« c'est un héritage de mon père » : ici, c'est donc le mariage entre bête de jour et bête de nuit qui constitue cet héritage.

Nos caboches capharnaüment les pièces d'un puzzle qui, si l'on pouvait, nous révélerait assurément sa drôle de bobine, au passé.

Le passé, vaudrait mieux s'en passer des fois, c'est qu'il s'accroche le bougre, et il la connaît la chanson, la bien nostalgique rengaine.

6.
« La serviette est une servante,
Le savon est un serviteur,
Et l'éponge est une savante ;
Mais le peigne est un grand seigneur. »
(Germain Nouveau, « Le peigne »)

Dans la salle de bains il se peut que la serviette serpente et glisse le savon Quant à l'éponge Germain Nouveau dit qu'elle est « savante ».

Opéra de salle de bains (1) (2) ! Le savon se fait mousser et la serviette s'insinue ; pour l'éponge, elle fait la philosophe sur l'humaine condition.

(1) opéra-mousse, ça va de soi.
(2) du reste, n'est-ce pas dans les salles de bains que l'on chante le plus aisément faux ?

7.
« Les routes qui conduisent à la mort sont nombreuses et étranges. »
(Edgar Poe traduit par Baudelaire, « L'Ange du Bizarre »)

Nous croisons bien des routes et traversons sans doute et sans même la voir la mort la mort nombreuse et étrange comme un dé à coudre.

8.
« Turlututu, répétait avec dépit celui qui était l'objet de cette remarque blessante. »
(Jean-Pierre Brisset)

Moi j'ai l'âme turlututu dit Zut et fais fi de ce fieffé foutoir d'enquiquineries diverses et de choses plus ou moins blessantes.

Le turlututu à mon avis c'est un don qu'la fée Turlututine nous fit  -si ! - dans not' berceau que déjà hein on s'doutait bien.

9.
Des fois je me demande si la phrase « L'enfer, c'est les autres » ne se mord pas la queue du diable.

10.
« Je sais faire les vers perpétuels. Les hommes
Sont ravis à ma voix qui dit la vérité. »
(Charles Cros)

Et si le réel grouillait infiniment de vers perpétuels dont nous n'entendons pas les voix cependant qu'elles se mêlent de toutes nos vérités.

11.
Je joue très mal de la guitare sinon j'aurais punké ou fais dans l'décalé lunaire genre « The Résidents » (ah sont fameux ceusses !).

Quand j'étais au lycée j'aurais dû faire du théâtre plutôt que d'me boissonner au Gibus j'aurais dragué la belle non mais qu'est-ce que j'raconte

Quand j'écris, des fois je glisse dans la confidence, j'm'épanche et j'devrais pas car tout le monde s'en fout, même moi.

12.
« Comme je baisais la main, j'eus peur :
Elle était vivante et chaude.
Ma figure s'en trouva griffée »
(Jacob Van Hoddis traduit par Arp et Hugnet, « Le vision-air »)

Alors zétaient tous attablés que c'était la fête i s'engouffraient des gaufres  chantaient de vieilles taquineries glougloutaient féroce.

I chantaient
Vois-tu passer la lune sous les angles des toits
Vois-tu passer la lune c'est un sac de bijoux
volés.

pis i chantaient aussi
Des flaques des pavés du sang
Au loin au loin au loin couine
un limonaire.

Il ne sera pas nécessaire d'appuyer pour faire bêler la lampe elle bêlera d'elle-même quand la lumière reviendra.

Il y eut une panne de courant mais cela s'arrangea très vite car nous avions pris la peine de capturer quelques luminaires migrateurs.

Alors il arriva là zavez le choix ou l'oncle Arthur (chapeau de pirate, grand sabre) ou alors Mister Kivouvoulez (et tous ses déguisements).

Bon on accueille les deux zigues avec force embrassements et tous s'engauffrent s'taquinent la voix et féroce glougloutent.

Si quelque bras jaillit du mur on lui donnera quelque chevelure à tirer ça l'empêchera de s'agripper à nos bijoux.

Mister Kivouvoulez s'déguise en violoniste virtuose et compositeur imparable (il a des moustaches et des cheveux raides de dessin de presse)

Déguisé en violoniste Mister Kivouvoulez violone quelque valse triste ce qui endort illico l'oncle Arthur (Madame se tient dans la prairie).

Ah tiens v'là du translucide veiné de bleu c'est Boris le spectre de l'araignée, barrée d'une chanson des Who pour nous courir le crâne.

Faut laisser filer le spectre de l'araignée il ira filer ses toiles là où passent mouches hochets hachures bref tout ce qui porte une hache.

Du coup le héros d'l'histoire en profite pour aller voir ce qu'il y a dis dans le petit coffre au pirate Ah fait-il en l'ouvrant à suivre.

Ce qu'il découvre dans le petit coffre c'est une carte au trésor mais c'est tout codé embrouillé pis aussi une aventure de Nero par Marc Sleen.

On a trouvé des doigts dans le jardin mais quelqu'un leur a piqué toutes leurs bagues et les lignes de la main.

N'allez pas baiser les mains qui passent à portée de vos lèvres ; vous ne savez pas qui au juste elles ont dû étrangler.

Des choses vivantes et chaudes ; voilà qu'elles saignent ! Les vivants ont parfois du mal à garder leur sang, sans parler du sang des autres.

Zôtre a la figure toute griffée il n'aurait pas dû s'approcher si près du mur on ne sait jamais quelle main à longs ongles peut en surgir.

Mon chat dans le couloir, dès qu'une main jaillit du mur, bondit et mord l'audacieuse jusqu'au sang un cri alors se mêle à nos remords.

Au printemps Zut s'arme de son meilleur couteau (çui des paradoxes) et longe les murs et coupe à leurs racines veinées les mains baladeuses.

Pendant que tranche Zut moi j'écoute de vieux disques à rêver debout et le temps passe et des bouts de tout se mettent à flotter dans l'air.

Le chat suit Zut dans ses retranchements - à cause du sang, pardi ! Quant aux mains elles filent dehors sans demander le reste.

Aurons-nous la visite de quelque hérissé ce matin ? En ce moment, les gens sont tellement nerveux.

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 21 février 2017.

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