DU SENTIMENT DE LA LIBERTÉ

DU SENTIMENT DE LA LIBERTÉ

1.

« Je sens que je suis libre mais je sais que je ne le suis pas. »
(Cioran, « De l'inconvénient d'être né », folio essais n°80, p.110)

Merveilleux Cioran qui d'un trait de plume raye bien des illusions.

2.

La liberté relève du ressenti, et donc du ressentiment ; l'absence de liberté relève du savoir, et donc de la lutte.

3.

Entre celui qui se croit libre et celui qui sait qu'il ne l'est pas, il y a le champ ouvert des promesses électorales.

4.

La politique est la gestion des libertés, et n'est souvent qu'une stricte comptabilité des possibles.

En politique, le gestionnaire s'oppose à l'homme d’État : les deux peuvent se confondre mais ne s'entendent guère.

Qu'il le veuille ou non, le citoyen est nécessairement soumis à une comptabilité de plus en plus invasive de ses libertés.

5.

Ce n'est pas à l'intérêt particulier que s'oppose l'intérêt général, mais à l'intérêt singulier.

Tout le talent de l'être singulier est de rendre sa singularité nécessaire à l'intérêt général.

6.

La conscience d'être un être libre ne peut se pérenniser que dans la nécessité de ne l'être pas.

Tout le talent de l'être libre consiste à rendre nécessaire ce qui n'est qu'utile.

7.

Nous ne sommes que les prisonniers d'une prison dont les autres ne voient pas les barreaux.

8.

De même que l'on peut trouver plus malheureux que soi, on peut trouver moins libre que soi. Être content n'est parfois que relativiser.

9.

L'humain est celui qui se refuse à n'être qu'utile ; d'où bien des comédies, et bien des tragédies.

Qui arrive à tirer profit de la nécessité du singulier est utile : c'est le commerçant, l'éditeur, le critique, le politique, le parasite.

10.

On commence par un vagissement et l'on finit par un râle, et entre les deux, qu'est-ce qu'on peut dire comme conneries !

11.

Quand Fillon au Trocadéro évoqua « la France des paysans, des cathédrales, des châteaux », sans doute voulut-il dire « de mon château ».

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 7 mars 2017.