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BLOG LITTERAIRE
7 mai 2017

AI FAIT TANTÔT LA ROUTE A PIED

AI FAIT TANTÔT LA ROUTE A PIED

 

1.

C'est la nuit. Je viens de me réveiller la tête pleine du fantôme de Balzac. Est-ce pour ça que j'ai bu du café ?

 

C'est que je m'étais endormi avec France Culture, et que cette nuit de l'excellente radio est consacrée au prodige romancier.

 

2.

Ai fait tantôt la route à pied. Le bus avait du retard (est-il passé ?). Pas eu la patience d'attendre. M'suis remué les jambes et les idées.

 

3.

J'aime bien marcher. Souvent, ça me permet de m'agiter tout mon petit monde d'images et de noms qui me cinoche la cervelette.

 

J'ai trop souvent écrit le mot « caboche » pour ne pas céder à la tentation du « qui m'cinoche la caboche ». Ah ce démon d'assoner au clocher !

 

4.

J'entends à la radio Maurois dire « On verra que ce détail est important pour la suite de l'histoire ». Du coup, je pense que c'est l'histoire qui, en fin de compte, donne de l'importance aux détails. Quel écheveau.

 

Parfois, je me dis qu'elles montent sur leurs grands écheveaux. Je ne sais pas pourquoi, j'imagine une ombre à cheval et sabre au clair.

 

5.

Sur la route, je me suis fait tout un texte dans la tête. Une fantaisie avec dedans des tas de gens de moi connus. Ironique et impubliable.

 

6.

Souvent, je passe mes marches ainsi : je m'écris mon journal éphémère dans la tête. Ça m'amuse souvent et c'est parfois vengeur.

 

7.

Ai pensé à C… (la blonde de bonne humeur). Nous ne nous sommes que fort peu fréquentés ; je pense pourtant à elle tous les jours.

 

8.

Peut-être vivons-nous simultanément plusieurs vies, mais n'avons jamais la mémoire que d'une seule. D'où, je suppose, nos pressentiments.

 

9.

Ceux à qui je pense tous les jours ne sont pourtant que minuscules détails de mon passé ; mais, allez savoir pourquoi, ils sont fidèles au quotidien de mon imaginaire.

 

Je suppose que ceux à qui je pense tous les jours sont en fait des métaphores, des métonymies, des énigmes : les masques de ce que je ne veux pas tout à fait oublier tout en m'en souvenant vaguement.

 

10.

Ai pensé de Machine qu'elle était radine comme un congrès de notaires. Ce qui est gratuit. Ajoutons l'épithète « balzaciens ».

 

Je ne pense pas souvent que le nom de « Gobseck » est une plaisanterie. Du reste, je n'ai pas lu le roman.

 

11.

Me suis aperçu de la disparition de quelques volumes de ma bibliothèque. J'aurais vraiment fort peu maîtrisé mes circonstances.

 

12.

La maison que je hante le plus est humide. Je me dis parfois que je vais finir par parler une langue de batracien misanthrope.

 

Cette maison où je patauge est si humide que ça ne m'étonnerait pas que l'on en trouve la trace dans une nouvelle de Lovecraft.

 

13.

Quelqu'un m'a dit récemment qu'une seconde suffisait pour passer de l'état de bonne santé à la condition de malade. Un battement d'ailes donc.

 

En fin de compte, nous sommes à la merci d'une formule de chimie, d'un précipité.

 

14.

Ai pensé à cette jolie distante. Un collègue me supposa quelque béguin. Je le détrompai : elle m'était plutôt antipathique. Il en sembla surpris.

 

Elle, jadis si distante, à la limite du mépris, a bien changé. Elle a pris des gifles comme on dit. Et puis la maladie, je crois.

 

15.

Je lui dis que nous étions la 5ème puissance mondiale. Il me répondit « Oui, mais au 49ème rang pour ce qui est de la liberté de la presse ». J'ai baissé la tête pour cracher mentalement, ai murmuré : « conneries... ».

 

16.

Je me dis que si, au lieu de « Je suis légion », le démon avait répondu « Je suis ribambelle », ça n'aurait pas eu le même effet.

 

Est-ce dans un épisode de la « 7ème compagnie » qu'un personnage dit : « Attention, mon collègue et moi, on est nombreux » ?

 

17.

Les sociologues qui causent à la radio m'ont l'air d'avoir tous la même voix. Comme il n'y a plus de gueules, il n'y a plus de grain. L'université verse dans le normatif argumenté, l'aseptisée gauche de gouvernance.

 

18.

Je suis bien content que le parti coco-bobo-zozo se soit pris une veste aux présidentielles. Faut pas pousser non plus.

 

Ai croisé X… (d'extrême-gauche). Je l'ai salué poliment. Un pincement de lèvres m'a répondu. L'avait un air entre deux airs.

 

19.

« Le tonnelier tonnèle,

Le bourrelier bourrèle,

Le soleil interpelle,

Frappe un bouclier d'or »

(Maurice Fombeure, « Un jour d'été »)

 

Je suppose que si le soleil « interpelle, frappe un bouclier d'or », il doit pousser des cris guerriers, des saxonneries à cheveux blonds.

 

Le soleil à « bouclier d'or »… On dirait du Claudel pour théâtre de trou perdu. Du décor pour projet pédagogique.

 

Ah tiens, le mot « pédagogique ». Ça me rappelle que j'ai pensé du livre de X… qu'il était aussi mince qu'une pensée de Philippe Meirieu.

 

Patrice Houzeau

Hondeghem, le 7 mai 2017.

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