LE MATIN EN DORMANT
LE MATIN EN DORMANT
« Le matin – En dormant
J'entends des voix. Lueurs à travers ma paupière. »
(Victor Hugo, « Fenêtres ouvertes »)
Un texte de Victor Hugo que j'aime bien
c'est « Fenêtres ouvertes » de 1877 les
vers qu'ils sont datés l'est composé de
courtes notations de pris sur le vif il
commence par « Le matin » que moi ça me
rappelle le nom d'un journal mais aussi
les rues claires (sauf en hiver) oùsque
vivant je fus allant venant passant pis
traversant dans le temps les rues comme
si déjà j'étais hantant dans le temps &
dans les longues disparues au vent rues
claires de mon pas-de-calais je dis mon
parce que les lieux on croit qu'on sait
pis on sait pas tant que ça alors j'dis
mon pas-de-calais car très subjectif il
est mon pas-de-calais pas géographe pas
exact me souviens de rues claires c'est
surtout que j'ai envie de m'en souvenir
de ces rues claires que parfois i pleut
& dans le ciel ronchonnent les nuages i
sont tout noirs comme de gros béliers i
sont tout noirs comme de gros mérinos i
sont tout noirs qu'on dirait qu'éclater
ils vont pour la rime en i allez samedi
le samedi dans mon pas-de-calais en ces
temps-là je buvais de la bière au lycée
Condorcet j'allais & j'étais déjà aussi
maladroit avec moi-même pis pis (ah oui
la bière hein ça fait faire pipi) aussi
maladroit avec les autres Donc le poème
de Hugo commence par « Le matin » & les
mots suivants sont « En dormant » c'est
comme on voit pas un poème d'action mès
(j'écris mès comme ça ça m'arrange sais
bien que j'exagère avec mon orthographe
lunatique mès ma pomme savez s'amuse de
rien) Donc « En dormant » Victor entend
« des voix » come Jeanne d'Arc mès avec
de la barbe j'dis ça c'est idiot car le
Victor Hugo n'a rien à voir avec Jeanne
d'Arc qu'i se connaissaient même pas si
ça se trouve même que Jeanne elle était
beaucoup plus jeune que lui Donc Hugo i
dormait qu'il entend des voix moi aussi
j'ouïs des voix quand je dors c'est des
voix des fois elles jactent dans de ces
langues qu'elles me sont très inconnues
(du coup je pige pas ce qu'elles disent
mais je m'en fiche parce que c'est come
pour mon pas-de-calais ce sont mes voix
à moi qu'il y a qu'moi qui les entend &
vous direz ça y est fallait bien que ça
arrive le houzeau i dévisse i ploufe en
la sombre forêt de mélancolie – et pour
faire plouf dans une forêt faut déjà le
vouloir hein – mais non je précise bien
que j'entends des voix quand je dors et
aussi quand j'écoute la radio sinon non
j'entends pas spécialement des voix non
même quand je me parle à moi-même voyez
je ne m'écoute même pas Ce que je pense
sort en courant de mon oreille des fois
qu'il préfère être loin que d'm'écouter
continuer à défaire le monde avec stila
de p'tit bonaparte dans ma caboche puis
jamais trop content colère rentrée puis
sabre au clair que ça me fait penser au
Hugo faisant tourner les tables que pas
seulement qu'en dormant qu'il hallucina
Totor qui ne dort plus tout à fait même
que des « lueurs » lui font joujou dans
sa paupière au Totor j'aime bien écrire
Totor quand je parle de Hugo même si je
n'oserai jamais aller me pencher sur sa
tombe & lui demander « Alors Totor t'es
mort ? » des fois qu'du tombeau la voix
du grand mort sortirait pour me prendre
à la gorge en m'traitant d'affreux jojo
Patrice Houzeau
Hondeghem, le 15 juin 2017.