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BLOG LITTERAIRE
20 mai 2012

MIETTES

MIETTES

1.
"Ce qui est en dehors de mon intelligence n'est absolument rien pour mon intelligence."
(Marc-Aurèle, Pensées pour moi-même traduit par Mario Meunier, Garnier Flammarion, collection de poche GF n°16, VII, 2)
De même pour les sentiments. Ce qui est en dehors de mon désir ne concerne que les autres. De là vient que l'on peut sembler si indifférent alors que l'on est si désireux d'être avec.

2.
L'indifférence est une manière de marquer sa différence. Aussi est-elle souvent feinte, puisqu'on ne peut vouloir marquer sa différence qu'en n'étant justement pas si indifférent.

3.
L'indifférence souligne une différence. Aussi est-elle si énigmatique lorsque l'indifférent semble de qualité. L'indifférent sans attrait est au contraire voué à la solitude et ne se doute même pas de ce qu'il risque.

4.
Feindre l'indifférence est une stratégie habile mais dangereuse. Si vous cédez à l'insistance de l'autre désireux de percer votre petit mystère, vous dégringolez aussitôt en dessous de votre représentation, vous redevenez commun. Le sentiment amoureux donnera quelque temps à l'autre l'illusion que vous êtes vraiment bien, mieux peut-être même que votre icône ; puis, comme ça ne dure pas, il faudra faire des efforts. C'est fatigant.

5.
"... et ce bel ordre d'ensemble qui naît des contraires."
(Marc-Aurèle, Pensées pour moi-même, VII, 48)
Pour le réel, rien de juste ni d'injuste en soi. Il n'y a que pour ma conscience et la loi qu'il y a justice et injustice. Or, Tous les chemins mènent à Rome, L'enfer est pavé de bonnes intentions etc... etc... d'où l'intérêt de se tenir à distance de ce sac de noeuds éthiques qu'est l'humanité et ses combinaisons périlleuses.

6.
Ce n'est pas la première fois que je cite ce jugement d'un journaliste américain sur la France et ses affaires douteuses : "La France, c'est l'Italie, avec plus de discrétion." Cette phrase m'amuse. Outre que je suppose que les Etats-Unis doivent avoir aussi leur lot, il est que l'industrialisation et la technologie ont transformé les bandits de grand chemin en réseaux organisés, qui, comme on s'en doute, ont leurs entrées dans bon nombre de milieux. Cela conforte sans doute le relativisme éthique, la défiance généralisée et l'impression que la politique n'est jamais qu'une gestion des accommodements. Que pourrait-elle d'ailleurs faire d'autre sans risquer de basculer dans la dictature ?

7.
"... ou bien ils ont été pareillement dispersés dans les atomes."
(Marc-Aurèle, Pensées pour moi-même, VI, 24)
L'indifférence de la matière est une ironie : à cette succession de bizarreries hasardeuses qui nous confronte au réel, nous passons notre existence à trouver un sens, et c'est pourtant dans tous les sens que nous finissons par partir.

8.
On ne juge des intentions qu'en vertu des actions, lesquelles dépendent des circonstances. C'est ainsi que l'hypocrite peut finir par être courageux, et l'inconscient héroïque. Quant au couillon, il ne sort de sa représentation que pour des raisons électorales.

9.
"... les noms des hommes, très célèbres autrefois, ne sont guère aujourd'hui que termes de lexique" (Marc-Aurèle, Pensées pour moi-même, IV, 33) Nous finissons lexicographiés, rangés dans un dictionnaire dont un singe arrache les pages.

10.
Un aphorisme, quand il est pertinent, n'est qu'une miette de vérité, mais mieux vaut une miette de vérité qu'un système mensonger. Ce qui doit nous intéresser, ce sont les miettes de vérité qui jalonnent les textes, et non la bascule à Charlot qu'induit tout système.

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 20 mai 2012

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