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BLOG LITTERAIRE
10 août 2005

"Les arbres font le jour"

Bomen maken de dag, les arbres font le jour, écrit Anneke Brassinga dans Voor nu en altijd, Maintenant et pour toujours. (1)

Les arbres font le jour. L'espace est ainsi déterminé par les objets, par cet être spécifique qui est la dénomination de l'être, la nomination des objets précisant ainsi ce qui constitue l'espace dans lequel ils apparaissent. Nommer quelque chose c'est donner un nom à l'être en soi des objets reconnus, nommer quelque chose c'est ainsi se référer au "nom de l'être" selon l'expression que nous devons, en ce sens, à Jean-Pierre Lalloz.(2)
Ici, dans le poème, l'espace est déterminé par la présence des arbres.

Le "jour" et les "arbres" sont tangibles, certes, mais cette détermination nominative constitue non seulement le tangible, l'expérience objective, mais aussi ce qui relève du sujet :

Een rode vloer, een boom
in dromen en herfst
zwaaiend voor het raam.
(3)

Un carrelage rouge, un arbre
dans les rêves et l'automne
qui se balance à la fenêtre.
(4)

Le carrelage ici symbolise la maison et, plus précisément, l'espace de la maison où l'on passe, que l'on franchit alors que l'on vient de l'extérieur.
D'ailleurs, pour les habitants invisibles de la maison, pour les "demeurants" qui ne sont pas des fantômes mais le souvenir de ceux qui furent, - les anciens, les prédécesseurs -, nous venons tous de l'extérieur, de l'étranger, du hors-lieu.
Vivants dans la maison, nous y rêvons et "l'arbre" constitue cette espèce d'espace sans espace du rêve : Een boom in dromen , un arbre dans les rêves.
Vivants dans la maison, nous y passons les saisons, l'automne qui se balance à la fenêtre.
Le terme générique "automne" inscrit ici la temporalité dans l'espace volontairement étroit de la strophe et de la "fenêtre".
L'espace est donc constitué par le tangible carrelage, d'autant plus tangible qu'il est connoté par la couleur rouge, l'arbre du rêve et la temporalité des saisons.
L'espace est donc constitué par le présent de vérité générale, le présent d'atemporalité puisque tout le temps n'est plus le temps, puisque tout le temps tue le temps, et ainsi , pour maintenant et pour toujours (Voor nu en altijd), les arbres font le jour (Bomen maken de dag).
L'espace est donc constitué par le participe présent "se balançant" (zwaaiend) et cette économie de l'expression qui donne aux vers d'Anneke Brassinga leur force symbolique, la puissance des blasons.

Les mots, cette poussière d'encre sur le sable des forêts, les mots sont dotés du grand pouvoir des géomètres. Ils délimitent un espace que nous nous approprions et que, consciemment, inconsciemment, nous connotons. C'est cette connotation que nous appelons lecture. C'est cette explicitation de la connotation que nous appelons écriture.

Notes :
(1) : Voor nu en altijd in descendance (Anneke Brassinga, Maison de la Poésie Nord/Pas-de-Calais, p.36-37, édition bilingue, traduction : Patrick Burgaud).
(2) : D'après des notes prises lors des cours donnés par Jean-Pierre Lalloz au Lycée Condorcet de Lens en 1982-83.
(3) : Huis in descendance (op. cit. p. 28-29).
(4) : traduction : Patrick Burgaud.

                       Patrice Houzeau
                       Hondeghem, le 10 août 2005

                     

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