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BLOG LITTERAIRE
13 novembre 2005

Jazz : A propos d'un crépuscule de Guillaume Apollinaire

JAZZ : A PROPOS D'UN CRÉPUSCULE DE GUILLAUME APOLLINAIRE
Crépuscule est un poème du trois fois très grand Guillaume Apollinaire ; il est tiré du recueil Alcools et  figure dans cette fantaisie en caractères gras
                                 

                                                    A Mademoiselle Marie Laurencin

Il est toujours bon de dédicacer des poèmes à des demoiselles
Si on ne veut pas les voir s'envoler à tire d'ailes
Ou si on a l'âme quelque peu sensuelle
Et que l'on aime les peintres surtout quand elles sont belles

C'est ce que devait se dire Apollinaire
En composant les vers de Crépuscule
Marie, il faudra bien que je l'enc...

Frôlée par les ombres des morts
L'univers est plein de fantômes qui ne peuvent s'empêcher de nous frôler, de nous épier car les fantômes, - c'est un secret de polichinelle -, sont de grands voyeurs et de grands peloteurs devant l'éternité et les beaux yeux d'Elise.
Sur l'herbe où le jour s'exténue
Quand le jour s'exténue, se fatigue aux angles des derniers passants, dans les rues bleues et grises de notre vieille Europe, ancienne complice des poètes du siècle 19 et des tableaux surréalistes, quand le jour s'exténue, l'herbe s'assombrit et fait alors ressortir la blancheur du corps de
L'arlequine
qui
s'est mise nue
- ne craint-elle pas d'avoir froid ? -
Et dans l'étang mire son corps
Les eaux sont troublantes comme des corps de femmes,
Les étangs chimériques et les fleuves porteurs de rêves :

Ô Rhénanes...

Un charlatan crépusculaire
Mais le charlatan, c'est le poète, vendeur de rêves, donneur de leçons mal apprises, bricoleur d'indicible, hypocondriaque de l'ontologique, monomane incurable, carriériste maladroit, hypocrite scrupuleux, débiteur à vie, âne amoureux, et j'en passe à l'as, des clowneries poétiques...
Alors, vous pensez bien, si en plus, il est crépusculaire, le charlatan, ténébreux, vantard, la langue pleine d'étoiles qu'il postillonne en fabulant sur l'ineffable...
D'ailleurs, le voici, tout pourpre et noir, qui
Vante les tours que l'on va faire
Les grands secrets, les beaux mystères.
Le ciel sans teinte est constellé
D'oeils énigmatiques où scintillent des sphingeries ivres de rhum ou de whisky
(Je ne sais pas pourquoi j'écris cela, sans doute parce que les assonances en i me plaisent infiniment tant elles évoquent les rires des filles, les cris de la fée, les plaisanteries et autres fragiles cristalleries.)
Mais il est constellé aussi le palais du dieu invisible,
- Le Grand Condé des anges -
D'astres pâles comme du lait
Blancs comme la peau des arlequines dévêtues sur lesquelles s'inscrit le triangle noir-ou roux-ou blond qui fait fantasmer les pigeons et les amateurs de moules (je devrais avoir honte !).

Sur les tréteaux l'arlequin blême
C'est sûr que ça doit lui plaire moyennement que son arlequine se soit ainsi mise à poil pour les besoins d'un poème...
Salue d'abord les spectateurs
The show must go on
Des sorciers venus de Bohême
Quelques rescapés du surréalisme,
Des amateurs de chansons anglaises
Et de roses alchimiques,
Des improbables, des terrifiques,
Des décalés, des excentriques,
Des considérables passeurs,
Quelques fées et les enchanteurs
Du Grand Cirque.

Ayant décroché une étoile
- Ce qui n'est pas facile même par temps dégagé des obligations illusoires -
Il la manie à bras tendus
L'arlequin fait le fanfaron !
Quant à l'arlequine nue,
Se touche-t-elle le menton ?
Tandis que des pieds un pendu
- On dirait les figures d'un tarot -
Sonne en mesure les cymbales
Allez zou ! un p'tit coup de slam :
D'une fanfare vertigineuse,
D'une cadence fabuleuse,
D'un blues féerique des filles électriques
Sur l'album inouï d'un band psychédélique
Tandis que dans les banlieues bleu pétrole
Les sauvageons jouent méchamment leur rôle
En faisant les marioles
Mauvais d'un théâtre où les guignols
Portent des galons sur les épaules,
En brûlant les carrioles,
En incendiant les bagnoles,
Et sans plus aucun contrôle
Cassent tout et dégringolent
Le reste dans les cités qui s'affolent
Ça, Houzeau, tu vas te le faire piquer
Et ça sera bien fait pour ton nez !

L'aveugle berce un bel enfant
En chantant une ancienne ballade irlandaise
Ou l'histoire de Troie et de la belle Hélène
La biche passait avec ses faons
- Si elle passait avec des alligators,
Ce serait étonnant -,
Le nain
D'où sort-il celui-là ?
Sans doute de quelque cirque égaré dans la campagne crépusculaire
Où passe la tribu prophétique aux prunelles ardentes (1)
Sous le regard halluciné d'un poète étoilé.
En tout cas, lui,
Le nain, regarde d'un air triste
Se rhabiller l'arlequine et
Grandir l'arlequin trismégiste
C'est-à-dire trois fois très grand si j'en crois mon édition d'Alcools
Et s'éteindre
Une à une
Les secrètes compagnes de la lune...

Note : (1) C'est pas de l'Apollinaire puisque c'est du Baudelaire.

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 13 novembre 2005




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Commentaires
P
Les témoignages de ses proches disent qu'Apollinaire travaillait très sérieusement sa matière poétique, vérifiant sur ses doigts la métrique de ses vers : il n'allait faire la bombe que quand il estimait avoir bien travaillé ; et l'on dit aussi qu'il préférait la compagnie d'une jolie femme à une beuverie entre évrivains ! Moins d'alcools que de fantasmes...<br /> <br /> Patrice Houzeau
P
"Tu vator eris" ?<br /> - Un peu, mon neveu !<br /> <br /> Patrice "Yes, I am the greta Pretender !" Houzeau
R
Ca me fait aussi penser à ces cigares toscans, noueux, aussi effroyables que délicieux, que fumaient déjà Stendhal et Mérimée, et qu'Ungaretti rapportait d' Italie à Apollinaire. Guillaumùe délaissait parfois sa pipe ppur ces bouts de cordages épicés, fermentés durant six mois et d'un arôme admirable...<br /> <br /> Y a t-il eu, dans l'active rêverie de la fumée, dans la méditation bien ordonnée, quelque influence de ces vapeurs hautaines dans la poésie d'Apollinaire? Peut-être pas. D'ailleurs ce genre d'idées est totalement banal, faux et très con. Raison de plus ppur en parler!!!!
R
Tu vator eris!
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