A PROPOS DU BLUES
NOTES EN REGARDANT "GODFATHERS AND SONS" DE MARC LEVIN
La voix grave de Muddy Waters dans un documentaire américain sur le blues signé Marc Levin (2003) ; Muddy Waters avec sa guitare, qui a tant influencé les Rolling Stones et le rock anglais.
On dit que ce sont les musiciens anglais qui, dans les années 60 et 70, lors de leurs tournées aux États-Unis, n'ont eu de cesse de rappeler au public américain l'importance des musiciens de blues dans l'histoire de la pop music. Certains disent même que, sans les Anglais, le blues des musiciens noirs, le "Black Blues", aurait été volontairement occulté par les blancs.
Dans les documentaires, les extraits de morceaux de blues sont souvent illustrés par des images de trains à pleine vitesse dans l'immensité de l'espace américain. Il est vrai que le blues est parti du Mississipi où il chantait dans les champs de coton et a pris le train jusqu'à Chicago où il s'est électrifié.
D'où ce fameux Chicago Blues, cette musique fiévreuse qui a envahi le monde et que, comme le jazz, tout le monde connaît sans connaître.
Entre les couplets, la guitare solo intervient, souvent dans les aigus.
Entre les phrases, quelques notes qui semblent se heurter sur fond de basse-batterie, laquelle tisse un rythme à la fois lourd et nonchalant.
Autre voix : celle plus âpre de Howlin' Wolf.
Et, à la contrebasse, un autre géant, Willie Dixon dont on dit que c'est le premier artiste noir de l'industrie du disque à avoir négocié des contrats et fait affaire avec d'autres artistes noirs.
Il en fut ainsi pour Koko Taylor qui, venant du Mississipi, fut, lors d'un concert de Howlin' Wolf où elle interpréta deux morceaux, repérée par Willie Dixon qui la présenta au directeur de Chess Records, Leonard Chess.
Il est question aussi de Marshall Chess qui produisit avec le groupe Electric Mud un disque étonnant, galette de psychédélique blues, en hommage à Muddy Waters.
Il travailla aussi sept ans avec les Rolling Stones et influença peut-être ce disque fantastique : "Exile on Main Street".
Il perdit son père, deux soeurs puis sa mère, se drogua un peu mais surtout a gardé une formidable nostalgie du talent des "Godfathers", des parrains du blues : Sonny Boy Williamson, Robert Johnson, Muddy Waters, Bo Didley,...
Dans les documentaires sur le blues, on voit souvent de vieux musiciens qui alignent 30 ou 40 ou 50 ans de carrière.
La voix souvent est sûre encore, les graves pleins, et les doigts déliés.
Et l'on se demande combien cela fait d'heures, de milliers de morceaux qui ont été joués, chantés, interprétés malgré les catastrophes, le racisme, les prisons, les maladies et les coups du sort.
Le deuxième LP des Rolling Stones fut enregistré à Chicago comme si les Anglais chevelus et tapageurs voulaient ancrer leur musique dans la ville du blues électrique.
Certains disent que les musiciens blancs, d'une manière générale, ont fait fortune sur le dos des noirs, qu'ils leur ont piqué le blues pour en faire un nouveau produit industriel appelé "rock n' roll" ou "rythm' n' blues" ; c'est sans doute vrai pour certains disques, mais je crois aussi que, sans le succès des musiciens blancs, une partie du public du début des années 60 ne se serait jamais intéressée aux grand noms du Black Blues, ce blues qui a inspiré Jimi Hendrix, les Doors, Bob Dylan, Paul Butterfield Blues Band et tant d'autres.
Ce qui me frappe le plus dans cette musique, c'est ce rythme qui suit toujours, qui suit toujours, même si la guitare se met à galoper, cheval emballé ou lièvre enfiévré, ce rythme qui suit toujours, qui suit toujours les couplets qui chaloupent, les cuivres qui éclatent et ces piques du piano.
Sur les disques Chess, on pouvait voir deux pièces de jeu d'échecs : à gauche du label, un fou ; à droite, un cheval.
"Crazy Horse". C'est le nom du légendaire groupe de Neil Young et c'est aussi un nom d'Indien, ça, non ?
Patrice Houzeau
Hondeghem, le 19 novembre 2005