LE DROIT A L'EXIL
LE DROIT A L'EXIL
En remplaçant la notion d'exil par le très statistique concept de "flux migratoires", nos penseurs de la modernité administrative ont entaché cette notion d'exil de suspicion.
Ce ne sont plus des exilés que l'on accueille mais des immigrés en situation irrégulière que l'on s'apprête à renvoyer chez eux, c'est-à-dire bien souvent au diable.
Pourtant, l'exil est une constante de l'histoire des hommes.
Que l'on songe seulement aux milliers de protestants français qui, dans les siècles passés, ont dû quitter la "fille aînée de l'Eglise" pour trouver refuge aux Pays-Bas ou en Allemagne (bien des familles saxonnes portent ainsi un nom français).
Rappelons-nous aussi de tous ces exilés qui ont fui l'Italie fasciste et l'Allemagne nazie.
De tous ceux qui ont fui la terreur et la misère communiste.
Nul doute qu'avec la montée du salafisme dans les pays musulmans, le nombre d'exilés ne fera que croître.
Que ferons-nous alors ?
Certains, comme Nicolas Sarkozy, lui-même héritier d'une famille d'exilés, évoque la nécessité d'une "immigration choisie" : d'accord donc pour accueillir l'intellectuel, le médecin ou l'ingénieur iranien, marocain ou ivoirien mais, pour ce qui est des familles "à problèmes", la porte de l'Europe leur sera sans aucun doute fermée.
Evidemment, cela peut serrer le coeur, non pas tant de refuser l'entrée à des centaines de milliers de personnes qui, dans les dix ans à venir, vont être confrontées à l'implantation de régimes pro-salafistes nuisibles et intolérants que de dire, comme c'est le cas actuellement, à une exilée roumaine, en France depuis 12 ans, ayant des enfants scolarisés et maîtrisant parfaitement le français, qu'en vertu de la très grande lucidité préfectorale, elle n'a plus qu'à rentrer "chez elle", - si cela peut encore signifier quelque chose -, en Roumanie qui n'est sans doute pas encore le modèle de démocratie libérale attendu.
Assez naïvement sans doute, je pense que, nécessairement, le droit à l'exil devrait être inscrit dans la Constitution.
On n'attend sans doute pas autre chose de la France, ce pays d'écrivains et de philosophes.
Mais il est vrai que nos penseurs de la modernité administrative préfèrent maintenant le tourisme à l'exil, et les décrets aux récits.
Patrice Houzeau
Hondeghem, le 16 septembre 2006