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BLOG LITTERAIRE
15 février 2007

C'EST ALORS QU'ARTHUR RÊVA DE SE FAIRE NEGRE

C'EST ALORS QU'ARTHUR RÊVA DE SE FAIRE NEGRE

"J'attends Dieu avec gourmandise. Je suis de race inférieure de toute éternité." (Arthur Rimbaud, Une saison en enfer)

On ne peut pas être plus vache avec la foi. Le gourmand de Dieu ravalé à la race inférieure, à l'atavisme, à la non-évolution.

Du reste, pour le môme défiant, pas de fascination pour les pieuseries :

"Vraiment, c'est bête, ces églises des villages
Où quinze laids marmots, encrassant les piliers,
Ecoutent, grasseyant les divins babillages,
Un noir grotesque dont fermentent les souliers :
Mais le soleil éveille, à travers des feuillages,
Les vieilles couleurs des vitraux irréguliers."
    (Les premières communions, vers 1-6)

Dieu, c'est pas grand chose, une manière d'abrutissement des campagnes, tout un guignol pour gogos, - ou qui feignent de l'être, les "quinze laids marmots" n'aimant probablement pas plus le curé, "noir grotesque dont fermentent les souliers", que le défiant môme Arthur lui-même -.
Cependant, le plus intéressant, ce qui vaut, c'est ce "soleil à travers des feuillages" qui suscite "les vieilles couleurs des vitraux irréguliers". Pas de perfection donc ( "Un soir, j'ai assis la Beauté sur mes genoux. - Et je l'ai trouvée amère - Et je l'ai injuriée."in Une saison en enfer) mais l'irrégularité des choses humaines, le mouvement fascinant de cette irrégularité.

C'est alors qu'Arthur rêva de se faire nègre :

"Connais-je encore la nature ? me connais-je ? - Plus de mots. J'ensevelis les morts dans mon ventre. Cris, tambour, danse, danse, danse, danse ! Je ne vois même pas l'heure où, les blancs débarquant, je tomberai au néant.
  Faim, soif, cris, danse, danse, danse, danse !" (Une saison en enfer)

La perfection n'étant pas de ce monde, le langage ne doit donc pas chercher à calquer, singer cette perfection puisque, en lui-même, - et voilà ce qui est vraiment palpitant -, il rend compte de cette irrégularité de l'être, de cette négritude qui postule que l'on ne peut "connaître la nature", que l'on ne peut "se connaître soi-même".
Ainsi, la belle âme de la langue, le français des classiques, est-elle révoquée, - Plus de mots.
Il ne s'agit pourtant pas de se taire, mais d'invoquer l'être irrégulier, ce nègre au coeur de l'homme : l'anthropophage ("J'ensevelis les morts dans mon ventre"), ce nègre en transe, au son des tambours et des cris, qui danse et abolit le temps jusqu'à "tomber au néant".
L'alexandrin est ainsi égorgé comme le coq d'une cérémonie vaudou et ce sont des appels, des invocations qui montent des gorges humaines :

  "Il faut être absolument moderne.
  Point de cantiques : tenir le pas gagné. Dure nuit ! le sang séché fume sur ma face, et je n'ai derrière moi que cet horrible arbrisseau!... Le combat spirituel est aussi brutal que la bataille d'hommes ; mais la vision de la justice est le plaisir de Dieu seul.
  Cependant c'est la veille. Recevons tous les influx de vigueur et de tendresse réelle. Et, à l'aurore, armés d'une ardente patience, nous entrerons aux splendides villes." (Une saison en enfer).

Mais bah ! Littérature que tout ça ! Symbolique pour universitaires. Fort heureusement, à ma connaissance, Rimbaud n'a pas mangé de chair humaine. Il s'est pourtant fait marchand d'armes, puisqu'il avait bien pris soin, Arthur, de laisser Dieu dans les Ardennes.
Reste le rythme. Celui que reprendront Joyce, Céline, Jimi Hendrix, ces grands égorgeurs de phrases.

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 15 février 2007

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Principe premier de la splendeur<br /> Dégagée des incantations hallucinées<br /> Stabilisation stratosphérique<br /> Dans les grandes profondeurs<br /> Là où règne le silence<br /> Qui contemple impassible<br /> Se brasser les fictions tropicales<br /> Mélanges de glaise et de ciment<br /> De colle, de glu et autres choucas<br /> De l'évolution supposée
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