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BLOG LITTERAIRE
10 avril 2007

DE LA TOLERANCE

DE LA TOLERANCE

Au hasard des pages et de la toile, cette phrase de Patrice Deramaix (cf liens de ce blog) : "Ce que nous tolérons est nécessairement pour nous un mal, sinon nous ne le tolérerions pas : nous le voudrions et l'assumerions comme nôtre." (in La tolérance paradoxale : aux frontières du pluralisme).

Ce que je tolère définit en négatif mon identité. Il en fixe les repères. Pourquoi voudrais-je et assumerais-je ce que je ne suis pas ? Au nom de quel impératif serais-je tenu, non pas "seulement" de tolérer, mais de faire mien "n'importe quel comportement, conviction, geste ou expression" (Deramaix) ?
Ce que nous tolérons n'est pas pour nous nécessairement un mal, c'est ce que nous décidons seulement de garder à distance, c'est ce que nous ne sommes pas, c'est ce en quoi nous ne nous reconnaissons pas entièrement.

Les tenants de l'intégrationnisme laïc et républicain reprochent souvent aux communautaristes de mener ce jeu paradoxal de la tolérance qui consiste à accepter un peu trop facilement les comportements spécifiques qui semblent contraires à l'idéal républicain : refus de l'enseignement de certaines matières à l'école, affichage de signes distinctifs et/ou religieux dans l'espace public, etc...
Pour ces républicains par ailleurs souvent très moralistes, très donneurs de leçons, - on y compte bon nombre de professeurs et d'intellectuels de gauche -, le modèle intégrationniste laïc doit prévaloir et croyances et signes distinctifs ne devraient pas quitter la sphère privée ou confessionnelle. La tolérance républicaine consiste donc à accueillir celui qui tend à me ressembler, à mimer mon discours sans voir qu'elle condamne ainsi beaucoup de citoyens à une parole double, à une manière d'être socialement en contradiction, - et même en conflit parfois -, avec le modèle culturel qui structure et domine  sphère privée et réseaux relationnels.
Si je ne puis qu'être d'accord avec le modèle laïc des écoles publiques, je ne puis aussi qu'être en faveur de la constitution d'autres espaces reconnus publiquement et dans laquelle les différentes communautés peuvent y inscrire et leurs valeurs et leur participation à ce vaste et infini débat public que l'on appelle "démocratie".
On m'opposera que cette affirmation du communautarisme comme mode d'être ensemble pourrait, à terme, menacer gravement l'identité laïque et républicaine de la république française. Et déjà, l'on s'alarme de ce que la culture et l'histoire de notre pays pourraient ne plus être transmises à l'ensemble de la nation.

Mais, sérieusement, l'ont-elles jamais été ?

Certes, jusqu'ici, et c'est tant mieux, on continue d'étudier Corneille, Racine et Molière dans la plupart des Lycées généraux, et les étudiants sont censés savoir qui furent Louis XIV, Napoléon 1er et le Général De Gaulle... Sont censés, effectivement, et que l'on sonde quelque peu la population scolaire (ou pas) et l'on verra que la culture et l'histoire de notre pays n'imprégnent absolument pas les esprits, comme les naïfs le croient, mais y laissent de vagues traces, de vagues souvenirs de quelque chose qui fut et dont on se fiche bien par ailleurs car, avec le chômage qui baisse en montant (selon le principe de la "gouvernance par le tartuffiage des statistiques") et les fins de mois difficiles, les Français, figurez-vous, ils n'ont pas le temps d'y penser à Corneille, Racine, Molière, Le Roi-Soleil, L'Aigle d'Austerlitz et même au Général, y a guère que Papy (qui a fait de la Résistance) qui y pense encore, au Général...
De plus, grâce aux efforts des furieux de la pédagogie (Philippe Meirieu et tant d'autres grands laïcs), l'école laïque et républicaine a cru bon de tourner le dos à l'enseignement traditionnel ainsi qu'au cours magistral ; ce qui fait que beaucoup d'élèves n'en savent plus une broque en grammaire française et sortent leur calculette pour faire une soustraction (j'ai vu ça la semaine dernière encore dans une classe de BEP, vous savez, ce diplôme tellement généraliste qu'il n'est toujours pas reconnu par l'industrie qui, d'ailleurs, a tendance, ces temps-ci et morceau par morceau, à courir aller s'installer à l'étranger !).
Bref, ce n'est pas le communautarisme qui mettra à mal l'identité française, (çà, elle est parfaitement capable de le faire toute seule...), puisque, justement, cette tolérance communautariste a le mérite de mettre à distance, - tout en faisant d'eux des interlocuteurs, des partenaires ayant quelque chose de concret à défendre -, tous ceux qui pourraient mettre en crise ce qui me constitue (une langue, un territoire, une histoire, un projet) et que je partage avec ceux qui occupent le même espace que moi.

L'on me dira enfin : Mais mon bon Monsieur, quelles sont donc ces valeurs qui sont si différentes des vôtres que vous vouliez les mettre à distance tout en admettant, tout en tolérant leur existence et même leur publicité ?
Elles sont ce qu'elles sont, ces valeurs, ni pires, ni meilleures que les miennes et je ne prétends les juger qu'à l'aune de la jurisprudence. Qu'elles nuisent à la sécurité d'une seule personne (quelle que soit sa communauté, quelle que soit la raison de sa présence sur le sol français) et il me semble alors que ce sera au législateur de réagir en comblant les éventuels vides juridiques.

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 10 avril 2007
 
   

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Commentaires
M
-Si votre fille ou soeur épouse un votant au FN (voir pire! un militant : donc intolérant) (qu'elle soit tombée amoureuse de lui pas seulement pour lui mais aussi pour ses idées) continuriez-vous à lui adresser la parole et à entretenir quelque relation que ce soit avec elle ?<br /> <br /> -Moi, personnellement; je ne le suis pas, tolérant :<br /> Si ma soeur venait à épouser un scientologue ou un raëlien ; il me serait absolument impossible <br /> d'entretenir quelques liens que ce soit avec elle (même si ce sectaire était quelqu'un d'irréprochable et de très honnête) (en fait je ne lui reparlerai uniquement lorsqu'elle aura reconnût qu'elle ait eût tort)...pourquoi? Parce que les sectes tout comme le FN sont ce que notre société définit comme une déviance.<br /> <br /> (hier : la normalité c'était la famille : et donc l'homosexualité qui était déviante par rapport à ce modèle de normalité n'était pas tolérée. Aujourd'hui dans notre société qui se définit comme une société de tolérance de l'autre : l'anormalité c'est l'intolérance (il faut être intolérant avec les intolérents scande-t-on dans les manifestations anti-FN) : donc personne ne m'empêchera de dire ce que je veux, d'exprimer ma haine ou ma violence vis-<br /> à-vis de ceux que l'on définit comme anormaux : les intolérents, donc les votants ou militants FN).<br /> De même ; personne ne me jugera pour émettre des propos haineux vis à vis des sectes puisque l'ensemble de notre société les définit comme contraires à la normalité.<br /> <br /> --Donc rassurez-vous: Hitler n'est pas mort! Il est juste devenu militant d'SoS Racisme.--<br /> <br /> Plus sérieusement : je pense que l'intolérance, le racisme et la haine : ce sont des défauts humains.<br /> On ne peut pas se permettre de les ignorer ou des les balayer sous le tapis comme de la poussière qui s'accumulerait au fur et à mesure.<br /> L'être humain ne peut pas faire le bien que jusqu'à ce que l'on réussisse à transformer l'ensemble de l'humanité par quelques procédés de manipulation mentale en zombis obéissants et sans âmes.<br /> Et je pense que notre société a tort de prôner la tolérance comme cela car elle forcera ses opposants (car les sociétés ont toujours des oposants) à définir leur modèle de penser en opposition à cette tolérance.
M
"Le titre de ma conférence, " Tolérance et responsabilité intellectuelle ", fait allusion à un argument de Voltaire à propos de la tolérance. Voltaire demande : " Qu'est-ce que la tolérance ? " Et il répond (je traduis librement) : " La tolérance est la conséquence nécessaire de la conscience que nous avons d'être faillibles. L'erreur est humaine, et nous faisons tous sans cesse des fautes. Pardonnons-nous réciproquement nos bêtises. C'est la première loi de la nature. "<br /> <br /> Voltaire en appelle à notre honnêteté intellectuelle. Nous devons assumer nos faiblesses, notre ignorance. Voltaire sait parfaitement qu'il y a des fanatiques à la conviction inébranlable. Mais leur conviction est-elle tout à fait honnête ? Ont-ils eux-mêmes examiné honnêtement leurs convictions et les raisons de ces dernières ? Et l'examen critique de soi n'est-il pas une composante de toute honnêteté intellectuelle ? Le fanatisme n'est-il pas un essai pour couvrir notre propre incroyance inavouée, que nous avons réprimée et qui, pour cette raison, ne nous est seulement qu'à moitié consciente ?<br /> <br /> L'appel de Voltaire à notre humilité intellectuelle, et avant tout son appel à notre honnêteté intellectuelle, a en son temps fortement impressionné les intellectuels. Je voudrais renouveler ici cet appel.<br /> <br /> Voltaire fonde la tolérance sur le pardon réciproque de nos sottises. Mais il est une sottise largement répandue, soit l'intolérance que Voltaire, à juste titre, ne peut tolérer. La tolérance marque ses limites. Si nous revendiquons que l'intolérance soit tolérée, nous détruisons alors la tolérance et l'état de droit. Ce fut le destin de la République de Weimar. <br /> <br /> Mais il y a en dehors de l'intolérance d'autres sottises qui ne devraient pas être tolérées. Surtout cette sottise qui conduit les intellectuels à suivre la dernière mode, sottise qui a présidé à l'écriture de beaucoup en un style péremptoire et obscur, style oraculaire critiqué radicalement par Goethe dans " Le Livre de la sorcière " et en d'autres endroits de son Faust. L'usage de la parole emphatique, obscure, péremptoire, incompréhensible, cette manière d'écrire ne doit pas être admirée davantage, elle ne devrait même pas être tolérée par les intellectuels. Elle est intellectuellement irresponsable, elle détruit le bon sens, la raison. Elle rend possible cette attitude que l'on a désignée sous le nom de " relativisme ". Cette attitude conduit à la thèse que toutes les thèses sont, de manière plus ou moins égale, intellectuellement défendables. Tout est permis. C'est pourquoi la thèse du relativisme conduit manifestement à l'anarchie, à l'absence de droit, et ainsi au règne de la violence.<br /> <br /> Mon sujet " Tolérance et responsabilité intellectuelle " m'a ainsi mené à la question du relativisme.<br /> <br /> Je voudrais aussi opposer au relativisme une idée presque toujours confondue avec celui-ci mais qui lui est pourtant profondément étrangère. J'ai souvent désigné cette position sous le nom de pluralisme, mais cela n'a pas été sans ambiguïté. C'est pourquoi je veux ici la qualifier de pluralisme critique. Tandis que le relativisme, qui ressort d'une tolérance laxiste, conduit au règne de la violence, le pluralisme critique lui peut contribuer à la maîtrise de la violence.<br /> <br /> Pour ce qui est de la construction du relativisme et du pluralisme critique, le concept de vérité est d'une importance décisive.<br /> <br /> Le relativisme est la position selon laquelle on peut tout affirmer ou presque tout, et par conséquent rien. Tout est vrai, ou rien ne l'est. La vérité est alors sans signification.<br /> <br /> Le relativisme critique est la position selon laquelle dans l'intérêt de la vérité chaque théorie - tant mieux si elles sont nombreuses - doit entrer en concurrence avec d'autres. Cette concurrence consiste dans la discussion rationnelle des théories et leur examen critique. La discussion est rationnelle, cela signifie que l'enjeu est la vérité des théories en concurrence : la théorie qui semble se rapprocher le plus de la vérité dans la discussion critique est la meilleure ; et la meilleure théorie évince les plus mauvaises. L'enjeu est ici la vérité."<br /> <br /> Karl Popper<br /> <br /> Tolérance et responsabilité intellectuelle <br /> <br /> Conférence, Université de Tübongen, 1981, <br /> trad. M.-F. Folcher et M.-V. Howlet, CNDP, 1990
M
Marius : "Papa, je te croyais plus Tolérant"<br /> César : "Tolérant ? ô malheureux, c'est à ton père que tu parles"<br /> Bon d'accord, c'est de mémoire, et je l'ai sûrement un peu escagassé, mais c'est dans l'esprit du texte.<br /> Et sans aucun rapport avec le vôtre, mais who cares ?
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