Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
BLOG LITTERAIRE
20 juillet 2007

LES GUETTEUSES

LES GUETTEUSES

                    I

Des étranges on dirait des
Sphinges dans la nuit des villes
Gardiennes aux yeux immenses
Chiennes aux voix lyriques
Qui jaillies du passé
Chantent d'autres renaissances

(De quoi que j'cause ? Non mais je vous demande un peu ! Qu'est-ce que cette histoire de "sphinges dans la nuit des villes". Ah bah ! une réminiscence de peinture surréaliste, sans doute. C'est que j'aime bien ça, moi, les peintures surréalistes ! Les girafes en flammes qui galopent dans des villes inquiètes, des jockeys perdus et des châteaux dans l'espace, des enchantements feuillus où perchent des sybilles à face de hibou, des femmes nues - dans la réalité, une femme à poil, c'est une femme à poil ; dans les toiles surréalistes, souvent, elle a l'air, la dénudée, d'une porteuse de lourd secret, d'une messagère, d'une guetteuse - des femmes nues donc qui croisent des squelettes dans des gares où il y a tout un monde étrange, indifférent, fascinant et qui semble attendre un train qui n'arrive jamais...)

                   II

Bêtes froides des vengeances
Cruelles des palais surgies
Du théâtre des ombres jaillies
D'un temps d'alexandrins et de fatal soleil
Sont-elles ces messagères légendaires
Elles qui vous jettent des serpents au coeur ?

(Ah là oui, je vois, ce sont des héroïnes de tragédie avec tous leurs alexandrins et leurs fatalités solaires. Bon, depuis Cléopâtre et Racine, les serpents, dans le genre tragique, ça relève du passage obligé, couru comme une fille facile. Sont-elles des "messagères", ces femmes-là ? Oui, probablement, mais vu que personne ne les écoute plus jamais, ce sont surtout des cassandres...)

                    III

D'une toute autre nuit elle disent l'horreur
L'énigme lancinante de la plaie et du couteau
Du lieu sans lumière du désert sans souffle guetteuses
D'être et se nourrissant du coeur des égarés
Elles ressemblent à ces filles des images
Ô Mélusines à chevelures sifflantes

(Il y a un tableau de Félix Labisse qui représente en bleu une tête de femme à la chevelure serpentine. Le titre en est Mélusine.)

                   IV

Elégance ô vous qui méprisez la
Fatale la gueuse qui vous met en terre élégance
Farouche des énigmatiques je vous envie
Et j'admire votre patience dans les villes
Où passent saisons châteaux et
Les amours rancunières des ombres pour la lumière

(C'est vrai que je suis fasciné par les laconiques, les farouches, les gens qui ne se montrent pas, ceux qui poursuivent leurs oeuvres sans guère de publicité, comme Monsieur de Sainte-Colombe dans Tous les Matins du Monde. J'ai l'intuition, comme ça, que c'est eux qui ont raison ; ils font demeure du temps, oui, c'est ça ! "demeure du temps".)

                    V

Fabuleuse chanson ! C'est celle des légendes
Froide la nuit des lacs et ardente l'amour
L'amour qui se nourrit de chair et de sang
Bleu Dans les miroirs nous contemplons des manques
Du temps qui passe du vent du sable et le
Sang qui de ventre en ventre poursuit sa course

(Bigre ! Je ne vois rien à ajouter sinon que, en effet, les miroirs sont pleins de nos manques autant que de la lourdeur de nos visages, surtout au réveil. Quant à l'amour, le plus bête, - c'est-à-dire l'amour-passion - , il est absolument vampirique ; il suce tout et finit par nous laisser pantois, ahuri d'humain, enveloppe vide, dérisoire, jetable.)

                    VI

Circulaient-elles ces sphinges dans la
Fière attitude de leur jeunesse sans âge
Forte et pleine d'énigmes leur chanson
Nocturne pour le plaisir d'être les diablesses d'un
Blues extravagant à la guitare
Féroce ou étaient-elles sur la piste de l'aveugle ?

(Bon ! alors là, évidemment, j'ai pensé à Oedipe, l'aveugle qui fut roi. Mais sans blague que vient faire le blues dans cette histoire ? Ceci dit, il faudra bien que quelqu'un l'écrive un jour, cette "Chanson des Sphinges" ! Et pourquoi pas un blues alors ? Un blues bien antique et tout à fait énigmatique dans le genre discours de La Sybille à celui qui passe et qui "cherche son pareil dans le voeu des regards". Ce dernier trait, c'est René Char qui l'a écrit, dans le poème Allégeance : "Dans les rues de la ville il y a mon amour". C'est comme ça qu'il commence, le poème et, au début du second paragraphe : "Il cherche son pareil dans le voeu des regards." C'est beau. On dirait du Racine. D'ailleurs, c'est un alexandrin.)

Post-Scriptum :
- Monsieur Houzeau, qu'est-ce que vous avez écrit là ?
- J'en sais fichtrement rien ! Mais fallait que j'l'écrive, nom de d'zeus !

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 20 juillet 2007

Publicité
Publicité
Commentaires
BLOG LITTERAIRE
Publicité
Archives
Albums Photos
Publicité