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BLOG LITTERAIRE
26 décembre 2007

EN MANGEANT DU BOUDIN BLANC

EN MANGEANT DU BOUDIN BLANC

"L'automne est une demeure d'or et de pluie,
  Dans ses étages transparents des corbeaux crient.
(...)
  Quel passage trouvera-t-il, cet inquiet,
  Quand l'or couvre sa lampe dans l'ombre froide ?" 
(Jacques Chessex, Pluie in Batailles dans l'air, cité dans Le livre d'or de la poésie française contemporaine de A à H de Pierre Seghers, Marabout Université, p.172)

Pour moi, je pique des vers dans les livres comme la poule pique sa graine.
Vrai qu'avant de le décortiquer, le vers, de l'éplucher, il est comme une graine attirante et pareille à tant d'autres.
Pourtant, quelque chose déjà nous le fait préférer à ce tant d'autres dont sont faits tant de recueils.

L'automne est lié à la mélancolie comme le coeur au corps, comme des chevilles, comme des poignets.
On chante l'automne de belle façon souvent.
Comme s'il fallait exprimer l'enchantement si particulier de ce qui se délite, de ce qui s'en va au vent.
De ce qui n'est plus et de ce qui n'est pas encore ; de ce qui, entre le sacre de l'été et la mort blanche de l'hiver, joue les ombres.
Jusqu'à "l'or" alors, ce regard sur l'automne qui pisse sa pluie.
Jusqu'à la "demeure" même, comme s'il s'agissait de la fixer, cette saison mouvante.
Qu'y voit-on pourtant dans les "étages" de cette maison ?
Rien que de très attendu : de la pluie et des corbeaux qui crient.

L'inquiétude cependant pose son point d'interrogation à la fin du poème.
C'est que le marcheur, cet homme à la lampe, ce chercheur de passages, voit sa propre lumière se perdre dans cet or corrupteur de l'automne.
Dans cet or froid que l'ombre manipule.

Nous ne sommes jamais que les jouets de l'ombre.
C'est ce que, en mangeant du boudin blanc, je pense.

Note : Il m'arrive, en cette période de confection du boudin blanc, de rentrer chez un boucher charcutier (noble profession), et d'acheter un boudin blanc justement, nature de préférence, puis, une fois dans la rue, je dévore le dit boudin, et, comme je suis pudique, en général, je me colle devant une vitrine qui ne tente personne et me régale consciencieusement de cette merveille de nos traditions culinaires ; consciencieusement, c'est-à-dire en usant de mon esprit critique et de ma capacité à me réjouir de ce qui est Beau, Juste et Bon. Je précise que ma pudeur ne va pas jusqu'à pratiquer cette dévoration dans une église. Je ne suis pas un monstre tout de même.

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 26 décembre 2007

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Commentaires
A
J'avais écrit un commentaire là, l'année dernière, presque à la même époque; et je me suis dit que j'avais envie d'en laisser un autre, de commentaire, une feuille d'automne, emportée par le vent, en ronde monotone, tombe... en tourbillonnant !
A
Quelle bonne idée de picorer des vers et de nous les délivrer aussi consciencieusement. L'auteur(e) du sort du ravioli devrait en prendre de la graine.
A
AHA ! manger du boudin blanc, consciencieusement, devant une vitrine terne ! bonne idée !<br /> (j'ai lu le reste aussi, hein)
N
"Nous ne sommes jamais que les jouets de l'ombre". Tout comme le cerf-volant est le jouet de l'air, ce qui ne l'empêche pourtant pas de rendre merveilleux quelques instants.<br /> "des corbeaux crient" : pourquoi associer toujours ces oiseaux satinés à de la terreur, ils me paraissent plutôt comme des messagers des pays de l'envers, lanternes des replis de l'univers.<br /> <br /> J'accepte le jeu de l'ombre, mais les dés sont miens, s'ils brillent alors l'obscur cède sa place, s'ils ne scintillent pas, alors je n'ai jamais existé.<br /> <br /> Bon appétit !!!!!
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