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BLOG LITTERAIRE
29 avril 2008

OBSCUR ET FANTASQUE

OBSCUR ET FANTASQUE

«The Rue d'Auseil lay across a dark river bordered by precipitous brick blear-windowed warehouses and spanned by a ponderous bridge of dark stone. » (H.P. Lovecraft, The Music of Erich Zann)

« La Rue d'Auseil se trouvait de l'autre côté d'un fleuve sombre, bordé  d'immenses entrepôts de briques aux fenêtres opaques, et franchi par un lourd pont de pierre noirâtre. » H.P. Lovecraft, La musique d'Erich Zann in Je suis d'ailleurs, traduction : Yves Rivière, Denoël, coll. Présence du futur, p.20)

Le champ lexical de l'obscur investit la phrase d'une présence quasi minérale, lourde, prégnante, réifiée, figée dans le temps et dans l'espace : « fleuve sombre, fenêtres opaques, pierre noirâtre ».
Le lieu étrange, « la Rue d'Auseil », est ici doté d'une géographie : une zone industrielle avec son « fleuve sombre » à «odeur chargée de relents douteux », ses « immenses entrepôts de briques aux fenêtres opaques », « la fumée des usines proches ».
Le lieu étrange est ainsi situé « de l'autre côté d'un fleuve sombre », c'est-à-dire au-delà de la zone industrielle (ce qui nous change des fatales maisons paumées dans des cambrousses improbables), au-delà de l'activité industrieuse des hommes, dans l'hallucination :

«The houses were tall, peaked-roofed, incredibly old, and crazily leaning backward, forward, and sidewise. » (H.P. Lovecraft, The Music of Erich Zann)

«Les maisons qui bordaient la rue étaient hautes, avec des toits pointus, incroyablement vieilles, et toutes penchaient de la façon la plus fantasque qui fût, en avant, en arrière ou de côté. » H.P. Lovecraft, La musique d'Erich Zann in Je suis d'ailleurs, traduction : Yves Rivière, Denoël, coll. Présence du futur, p.20)

Les maisons sont « fantasques », elles semblent ivres à se pencher de tous côtés. Maisons de dessin animé que ces maisons-là ; maisons de fantaisie, suggestions d'improbables :

« Occasionally an opposite pair, both leaning forward, almost met across the street like an arch; and certainly they kept most of the light from the ground below. » (H.P. Lovecraft, The Music of Erich Zann)

« Par endroits, deux maisons se faisant face s'inclinaient l'une vers l'autre formant une sorte de pont au-dessus de la rue, ce qui l'empêchait naturellement d'être bien claire. » (H.P. Lovecraft, ibid.)

Elles représentent ainsi, ces humoristiques maisons, un écart par rapport à la norme des architectures rectilignes. Elles relèvent d'un être autre de la même manière que la « musique de Erich Zann » s'écarte de la beauté d'une « sorte de fugue avec des reprises véritablement merveilleuses » pour les « accords bizarres » d'une musique toute autre, aux « notes ensorcelantes », une musique propre à hanter le narrateur.

Patrice Houzeau
le 29 avril 2008

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