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BLOG LITTERAIRE
20 juillet 2008

DE L'IRONIE DE LA LIBERTE

DE L'IRONIE DE LA LIBERTE

"La liberté n'est rien. La liberté n'est pas, mais elle sera ; n' "existe" pas, mais devient." (Vladimir Jankélévitch, Le Je-ne-sais-quoi et le Presque-rien 3. La volonté de vouloir, points essais, p.36)

L'être libre est paradoxal. Il n'est jamais libre qu'en agissant cependant que la liberté n' "existe" pas dans l'action mais est absolue avant l'action, c'est-à-dire au moment du choix. L'être de la liberté se tient donc dans le devenir.
La liberté est donc au pied du mur à franchir ; elle se tient dans ce présent-là de l'obstacle à surmonter, du problème à résoudre, de la décision à prendre, de l'accord à donner. Elle n'est donc jamais que dans le présent du fait complexe. Elle est de fait.
Dès qu'un choix est fait, tout autre possible s'en trouve aboli. Ainsi, la liberté s'évanouit-elle dans la réalisation et n'a de ce fait, comme le précise Jankélévitch, "presque aucun présent" (ibid.) tant l'humain est problématique, c'est-à-dire se projetant sans cesse dans une foule d'objets à faire, à être, à avoir, et tendant cependant à se simplifier la vie en ayant le moins possible de choix à faire. C'est de cette volonté de simplification de l'existence que vient sans doute cette servitude volontaire qui nous pousse à nous engager de façon définitive, croyons-nous, dans un mariage, une carrière professionnelle, des réseaux relationnels, un mode de vie.
Mais, à vrai dire, pour beaucoup d'humains, cette servitude volontaire n'est pas si aisée, et la communauté des vivants ne cesse de nous rappeler que le nombre de divorces augmente, que de plus en plus rares sont ceux qui feront toute leur carrière dans la même entreprise, qu'il faudra même s'habituer à changer dans sa vie professionnelle plusieurs fois de secteur d'activité, de région, de pays peut-être, et que la vie sociale perdant de sa stabilité, les réseaux relationnels tendent à se réduire à quelques amis que l'on peut croire fidèles. Bref, si l'on prend ici le mot "liberté" dans son sens habituel, la mondialisation nous rend libres malgré nous.
Mais il est aussi que cette liberté n'a réellement de sens, que cette liberté ne consent à être qu'à la condition que, passant à travers la plupart de nos choix comme à travers ce "fantôme de la liberté" qui servit de titre à un film de Luis Bunuel, nous rompions avec l'anecdotique pour une authenticité de fait. Alors, cet exercice authentique de la liberté, d'un seul coup, d'un seul, rend dérisoire, secondaire l'ensemble de nos choix antérieurs, cette vie passée qui ne prend son sens que dans l'accomplissement d'un acte, la réalisation d'un projet essentiel. Dès lors, l'être libre se confond avec l'illusion d'un présent de vérité générale, ce miroir plein d'emphase, cette ironie de l'être vivant au milieu de tant de morts.

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 20 juillet 2008

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