IL SE FAIT TARD
IL SE FAIT TARD
(Fantaisie provinciale)
"Il était tard ; ainsi qu'une médaille neuve
La pleine lune s'étalait,
Et la solennité de la nuit, comme un fleuve,
Sur Paris dormant ruisselait.
Et le long des maisons, sous les portes cochères,
Des chats passaient furtivement"
(Baudelaire, Confession, vers 5-10)
Parfois, "il se fait tard", c'est qu'il est temps de se rentrer, de quitter la table et le dernier verre, pour s'en retourner au dodo de chez soi.
Dehors, la poitrine bleue ; accrochée dessus, claire qui brille, la lune, ronde comme l'ahurissement.
Dessous, la ville, vide, endormie, étalée, allongée, lunaire comme l'absence.
Curieux, ce vide alors, de ce qui fut si plein, très nerveux jusqu'au toxique, ce vide des rues grises et bleu lunatique, que l'on traverse, vite quand même, vu qu'on est à pied, et que les choses sont pleines d'invisible.
Curieux, ce vide, cette clarté du dédale, suite cochère aux chats miauleurs, et demain, si loin encore demain, l'obligatoire lendemain, l'affaire inévitable de demain, inéluctable comme l'habituel, l'embrouille, la fâcherie, l'ennui, rendez-vous qui attendra pourtant que nous ayons réouvert les yeux, désablé nos prunelles de la paille d'or des nuits là, où l'on s'en va scier des bûches dans l'ailleurs.
Patrice Houzeau
Hondeghem, le 24 septembre 2008