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BLOG LITTERAIRE
3 octobre 2008

"RUMPETE LIBROS"

« RUMPETE LIBROS »
Notes sur A l’éventuel lecteur (A quien me leyere) de Leopoldo Maria Panero, in dans le sombre jardin de l’asile…, anthologie présentée et traduite par François-Michel Durazzo (Maison de la Poésie Nord/Pas-de-Calais, Editions du Noroît, 1994, édition bilingue, p.20-21).
Les citations faites du texte de Leopoldo Maria Panero et de leur traduction par François-Michel Durazzo figurent ici entre parenthèses.

C’est que l’on ne plaisante pas avec le poison des pages :

« Los libros caían sobre mi máscara (y donde había un rictus de viejo moribundo),… »
« Les livres tombaient sur mon masque (et là où il y avait un rictus de vieillard moribond),… »

Quel est ce « rictus » ? Celui qui dit l’inéluctable crevance, peut-être.
La mort, c’est de l’ironie à l’état pur. Ainsi, l’étonnement le plus constant est que l’on puisse continuer à s’engendrer, à se perpétuer la race, jusqu’à ce que mort s’ensuive, comme si l’être humain était certain que ses descendants finiraient par la vaincre, la bouffeuse d’âmes, la dévoreuse, la chienne aux énigmes.
Aussi, toute fiction répète-t-elle ce duel de l’humain avec la Mort (que le texte personnifie alors, pour les besoins de la cause). Aussi, toute fiction est-elle ironique.
Devant cette ironie, il arrive, - c’est humain -, que l’on soit pris de nausée.
C’est qu’ils sont nombreux, les masques de l’ironie : mélancolie, folie, suicide, meurtre et froide morale des chiffres.
Du coup, on les fout au feu, les livres, afin que « le feu défît les mots » (« para que el fuego deshiciera las palabras…. »)
L’écriture se livre au paradoxe, séduction que sécrète la chienne qui chante : l’on reprend donc son latin, sa langue des origines, ce passé plus-que-parfait, que l’on contemple comme on contemple l’ironie de l’accompli, que l’on déchiffre comme l’on déchiffre une œuvre d’art :

« Rumpete libros, ne rumpant animas vestras »
« Brisez les livres, qu’ils ne brisent pas vos âmes. »

Et la permanence du cadavre se fait évidence :

« el único emperador es el emperador del helado, con su sonrisa tosca que imita la naturaleza y su olor a queso podrido y vinagre. »
« le seul empereur est l’empereur de la glace, avec son sourire grossier qui imite la nature et son odeur de fromage pourri et de vinaigre. »

Quelle gueule de faux-cul elle a, la littérature, qui prétend « imiter la nature », rendre compte d’on ne sait quel réel, éduquer même !, - les âmes et les hommes (de quoi je me mêle !). Elle est trop faite, la littérature : flan, fromage blanc, écumoire à phénomènes, dragueuse de petits faits, allumeuse de détails, pipeuse de dés. Elle sent le rance, la poussière aussi, la nausée bibliothécaire, la bonne conscience documentaliste, le « vinaigre » des cuisines et le « fromage pourri » des laissés aux asticots. C’est ainsi qu’il se manifeste, le « cadavre de la poésie », asticoté, tout à fait.

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 3 octobre 2008

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Commentaires
M
L'inéluctable crevance... c'est beau comme un zombie qui valse en semant ses lambeaux.
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