FUYONS SOUS LA SPIRALE

FUYONS SOUS LA SPIRALE

1.
"Fuyons sous la spirale
  De l'escalier profond"
(Victor Hugo, Les Djinns, Les Orientales)
Virtuosité : quelques mots, quelques sons (le sifflement du "f", l'écho de la nasale "on", le "i" vif de la spirale qui se pénombre dans l'escalier) suffisent à l'auteur pour évoquer une géométrie du vertige.
Songez-vous parfois que nous vivons dans des géométries ? Que nous habitons des géométries ? Et que ces géométries sont hantées, possédées par de la spirale bien plus redoutable que les ellipses simples de nos âmes ?

2.
"Cette dame poisson et moi, avions le même destin ; nous étions des éléments de la même équation." (cité de mémoire, c'est ce que dit le personnage du père dans le film Big Fish de Tim Burton).
Voilà qui me donne à penser à la diachronie des modélisations, des processus. C'est qu'elles sont pleines de hantises, les mises en boucle, les cycliques, pleines de synchronies exogènes, échos de fanfare fantastique traversant le cours tranquille de la ballade.

3.
Celui qui part se condamne à être un disparu, ou un revenant. Cela vaut pour le roi Thésée. Dans le Big Fish de Tim Burton, le père est un disparu tout à fait localisé, joignable à tout moment. C'est dans ce qu'il dit de sa vie, qu'il semble avoir disparu, qu'il semble avoir été longtemps voué à devenir revenant. De fait, c'est son fils qui revient à lui, comme si, s'étant éloigné de la légende, il n'était pas tout à fait lui-même.

4.
"Nous, échevelés dans la brume"
(Victor Hugo, A M. de Lamartine, Les Feuilles d'Automne)
Me font songer à des spectres, ces échevelés-là ! Ou alors, à deux hirsutes étudiants ayant foiré quelque expérience de chimie, un soir de brume dans un film fantastico-fantaisiste américain.

5.
"Le soleil et la pluie ont rouillé la forêt."
(Victor Hugo, Rêverie, Les Orientales)
Belle image. Et dans ce décor fauve et feu, rousse, fauve et feu, sur un cheval fauve et feu, elle passe. Personne ne la remarque.

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 27 mars 2012