Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
BLOG LITTERAIRE
22 juin 2012

DE PLUS EN PLUS OS

DE PLUS EN PLUS OS
En feuilletant la livraison de l'été 1996 de la revue Poésie 1/ Vagabondages (n°6, "dossier : le voyage, l'ailleurs").

J'aime bien cette humilité du narrateur dans le célèbre "Toi qui pâlis au nom de Vancouver", de Marcel Thiry :

"Sans grand éclat tu servis sous Stürmer,
Pour déserter tu fus toujours trop sage."

C'est qu'en poésie, si je est un autre, le tu est parfois moi. Ceci dit, allez savoir.
Et puis, dans Iguazu de Supervielle, ces "vaches condamnées à brouter dès le premier tremblement du jour", puisque la volonté de puissance est une condamnation et une humilité. Les humains eux aussi peuvent se condamner à humblement vivre. Ils n'y pensent pas. Ils disent : "Il faut bien vivre" et " Y a pas d'avance" et "Personne n'est indispensable". C'est que les humains, si changeants, ont l'art du définitif.

J'aime bien ces accents très marqués dans ce bout de vers de Outwards, de Henry J. M. Levet : "ses reins / A mon bras droit". Tonique façon de signifier l'élan des corps allant ensemble.
Et puis cette tête d'indien qui apparaît dans ces deux vers de Supervielle :

"Je ne voudrais plus voir le soleil de profil
Mais le chef couronné de plumes radieuses"

Voyez comme le poète flanque des visages partout, des masques à tout, des yeux pour s'y voir, des signes pour acommoder le monde à sa façon. Du coup, dyslexique volontaire, il arrive qu'il se mélange pinceaux et nougats, le poète, qu'il se goure de visage, et puis de nom. Alors la nuit, et le rire dans la nuit - c'est ça qu'il a en tête tandis qu'il écrit sur les vers qui lui flottent dans la mémoire - et Westwego de Philippe Soupault :

"la nuit qui approchait à pas de loup
à pas de hibou"

Et cela m'amuse d'imaginer le hibou balançant d'une patte sur l'autre sa force et sa masse, et ses yeux qui ont l'air d'avoir vu, et de voir encore ce que je ne vois pas, et d'amener avec lui, le hibou, la grande nuit qui tombe.
Et puis l'élégante âpreté, le baroque de ces deux vers de Jean Joubert :

"c'est la bouche bleue des sirènes
sur leur lit d'ardeur et d'ossements".

Je les songe, les belles, lascives et chantantes, et désirantes, et affamées, et poissonnes féroces et féroces filles, et dents pointues parmi les corps de leurs amants de moins en moins chair, de plus en plus os.

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 22 juin 2012

 

Publicité
Publicité
Commentaires
BLOG LITTERAIRE
Publicité
Archives
Albums Photos
Publicité