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BLOG LITTERAIRE
21 juillet 2012

RIEN N'EST VANITE

RIEN N'EST VANITE

Rimbaud, du contrepied c'est, Rimbaud... celui qu'a fait l'inattendu... "Rien n'est vanité ; à la science, et en avant !" fait-il dire à celui qu'il appelle l'Ecclésiaste moderne... c'est dans Une saison en enfer... Evidemment, ça fait valser le tout vanité des écritures serinées... Qu'est-ce qu'il croyait lui, Arthur, j'en sais rien... Avec son je qui est un autre, allez donc vous y retrouver... et puis, l'homme Rimbaud n'était sans doute pas loin de penser que ses écritures à lui Arthur, c'étaient juvéniles stupidités... entendu dire qu'il aurait dit à quelqu'un en Afrique qui avait eu vent des écrits de Verlaine sur "l'homme aux semelles de", qu'il aurait dit que tout ça, poésies, saison, illuminations, c'étaient des "conneries"... en tout cas, c'est un mot bien rimbaldien, ça "conneries"... un délinquant juvénile de la poésie, c'est ça qu'il fut Arthur... peut-être un peu exagéré, c'que j'dis... possible... m'en fiche... "délinquant juvénile", voilà une expression inusitée maintenant... je l'ai entendue, plus d'une fois, dans les médias des années 70... je sais pas de quand elle date... on l'emploie plus maintenant... pas plus que "sauvageons" qu'il avait sorti, tiens, son nom m'échappe... Les politiques, on les oublie bien vite tout de même... Le "Rien n'est vanité", c'est une manière de promettre des avenirs épatants, modernes, tout à fait nouveaux et formidables... "Ah ! vite, vite un peu ; là-bas, par-delà la nuit, ces récompenses futures, éternelles..." Je cite la Saison, je cite l'Eclair... C'est le titre du passage au "Rien n'est vanité", L'Eclair... ça en jette... Pas par hasard les mots... "récompenses futures, éternelles", ça sent son missel... La science a laissé entrevoir ça aussi... les maladies vaincues, la fin de la rareté naturelle du comestible, la victoire définitive sur la nature... De l'éternel dans l'alambic... de la récompense dans l'éprouvette... la fin des hostilités, la paix perpétuelle des gens qui mangent à leur faim... on a progressé, c'est sûr... des pas de géant dans toutes les directions, jusqu'à dans l'invisible... Mais on est encore loin du compte... On n'est pas sorti de l'auberge... ça s'étripe quand même pas mal encore... quant à la fin d'la faim dans le monde... "la faim dans le monde" encore une expression des années 70, à l'usage des mômes, pour les sensibiliser au malheur des autres... s'en foutaient pas mal les mômes, pour la plupart ; compatissaient pour plaire au professeur, au curé gauchisant... pensaient plus au foot qu'à la faim dans le monde, et à leur moyenne de maths... Ah ça, la moyenne de maths ! essentiel dans les années 70... époque d'ingénieurs ! l'avenir est beau comme une bécane !... Marrant ce mot, dans le bassin minier, les mômes l'employaient pour désigner leur mobylette, puis un peu plus tard, au début des années 80, ils l'utilisèrent pour désigner leur ordinateur... Alors bon, entre le foot, la moyenne de maths, la caravane, les nichons des copines de classe... la faim dans le monde, c'était un truc pour les Jeunesses Chrétiennes, ça, la faim dans le monde... et puis, "la science est trop lente" qu'il dit aussi Rimbaud... dit aussi que "la prière galope et que la lumière gronde..." sûr qu'une prière va plus vite qu'une expérience... faut pas être savant... suffit d'être croyant... la lumière qui gronde... je pige pas ce que ça veut dire... je vois dans l'image la lumière qui tremble au loin, celle des explosions... orage et orages d'acier... les combattants des tranchées ont dû les voir souvent ces lumières grondantes, puis les voir se rapprocher, jusqu'à ce qu'elles leur cassent la gueule, jusqu'à ce qu'elles les éventrent, les égorgent, les réduisent en bouillie, en compost... marrant comme une expression écrite dans les années 1870 peut s'appliquer à la guerre de 14-18... visionnaire quand même Rimbaud... Un peu déserteur aussi dans l'âme, je cite : "C'est trop simple, et il fait trop chaud ; on se passera de moi. J'ai mon devoir, j'en serai fier à la façon de plusieurs, en le mettant de côté." C'est pas net, ses explications... On dirait qu'il reprend quelque chose... qu'il paraphrase je ne sais quoi... je suis pas assez savant pour déterminer les sources... et puis, m'en fiche un peu... Marrant, le môme, l'ardent ardennais... "Ma vie est usée" qu'il écrit... Heureusement que je est un autre, car sinon quelle rigolade !... Pour le reste, il décrit bien l'état d'esprit moderne, l'Arthur : "Allons ! feignons, fainéantons, ô pitié ! Et nous existerons en nous amusant, en rêvant amours monstres et univers fantastiques, en nous plaignant et en querellant les apparences du monde, saltimbanque, mendiant, artiste, bandit, - prêtre !"... "amours monstres", "univers fantastiques"... Nous y sommes... Les couples explosent... C'est l'enculade générale... C'est qu'on travaille moins qu'avant... L'humain, quand il est pas obligé de travailler toute la sainte journée jusqu'à pas d'heure, quand il ne lutte pas pour sauver sa peau, quand ses soucis sont supportables à peu prés, il s'adonne à ses passions, lesquelles sont parfois fort curieuses... Quelque chose à dire à cela, ô vous Houzeau de droite ? - Non, les gens ont moeurs toujours plus variées qu'on ne croit... C'est l'héritage des antiques... voyez le Satiricon... Quant aux "univers fantastiques", les équations en grouillent, les écrans aussi... les autres dieux et leurs peuples glauques ont trouvé la faille : ils sont dans la peau virtuelle des êtres virtuels qui s'agitent partout... s'y sont glissés... s'y meuvent d'un écran l'autre, d'un film l'autre, d'un jeu l'autre, et prennent possession des esprits... crapauds je vous vois... bavants batraciens... visqueux citoyens... les physiciens traquent les paradoxes de vos présences... c'est bien la preuve... Bon, là, j'écoute une compilation de Massive Attack... c'est vraiment bien Massive Attack... cette lancinance dans la rythmique, les riffs s'y glissent, les voix aussi qui s'en détachent pourtant... entre les clairs accents des percussions et les sombres électroniques... sihouettes arpentant les rues des cités modernes... c'est froid comme une grande ville du Nord, et brûlant comme.

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 21 juillet 2012

 

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