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BLOG LITTERAIRE
19 juillet 2012

COMME UNE MALEDICTION

COMME UNE MALEDICTION

Notes sur Antigone, de Sophocle (Librio n°692, texte établi et traduit par J. Bousquet et M. Vacquelin (1897), préface d'Elsa Marpeau)

1.
ANTIGONE
Compagne de ma destinée, Ismène, ma soeur, de tous les maux que nous avons hérités d'Oedipe, en sais-tu un seul que Zeus veuille épargner à notre vie ?
(Sophocle, Antigone, Prologue, librio p.17)

Quelle ironie, ce début... compagne de sa destinée, Ismène, alors qu'elle va crever toute seule, Antigone...

2
ANTIGONE
Du moins, j'ai conscience de plaire à ceux surtout que je dois satisfaire.
(Prologue, p.21)

Fait-elle allusion aux dieux ? Il y a de la Jeanne d'Arc dans cette attitude... celle qui n'agit qu'en vertu de "ses voix"... qu'elle seule entend... celle qui doit... Comme la Pucelle, Antigone est seule face à son destin... Comme la Pucelle, elle sera l'objet d'un débat et comme elle, finira par être lâchée par la communauté des vivants pour être jetée aux gueules de l'ombre, aux chiens de la mort... Dès le Prologue, Antigone a déjà le visage levé vers les dieux ; déjà, elle n'est plus la soeur, la nièce, la citoyenne ; elle est sa propre liberté.

3.
ISMENE
Encore faut-il que tu réussisses ; et c'est l'impossible que tu poursuis.(Prologue, p.22)

Jeanne d'Arc aussi poursuivait l'impossible... chasser les Anglais hors de France... impossible, évidemment... Jeanne bataille, gagne, puis est faite prisonnière... elle devient otage politique, objet de tractations... Charles VII l'abandonne... Elle sera brûlée... Phénix, des flammes naîtra sa légende... Antigone n'enterre pas vraiment son frère... elle ne peut que jeter qu'un peu de poussière... c'est ce geste symbolique, ce défi, ce refus de se plier à l'autorité du Roi de Thèbes qui la condamne... à mort... évidemment... on ne choisit pas impunément les dieux contre le roi, qu'il fût de Thèbes ou de France.

4.
ANTIGONE
Eh bien ! quand je serai à bout de forces, alors je m'arrêterai.

ISMENE
Avant tout, il ne faut pas s'obstiner à l'impossible.

ANTIGONE
Si tu parles ainsi, tu mériteras ma haine à moi, et tu seras encore justement haïe de notre mort.
(Prologue, p.22)

... tu mériteras ma haine à moi... celle qui lui restera... Antigone pressent-elle sa mort, qu'elle menace sa soeur d'une haine qu'on dirait bien de l'au-delà ?... Une haine des ombres... Par "notre mort", faut-il comprendre l'ombre de Polynice ?... C'est qu'Ismène risque bien de l'avoir longtemps sur la conscience, ce refus d'accompagner sa soeur dans son acte , d'autant que les mots d'Antigone sonnent comme une malédiction.

5.
Strophe I
Oeil du jour, flamboyante aurore, Ô le plus éclatant soleil Que Thèbes ait vu rire encore, Splendeur d'un matin sans pareil !
(Prologue, p.23)

C'est le Choeur qui cause... "bel oeil d'un jour doré" (trad : Robert Pignarre) ; "regard qui d'or illumine le jour" (trad : Claire Dubois-Paulhac) ;"oeil du jour doré" (trad : Paul Demont)... Le soleil est un oeil ; l'aurore un regard... c'est que la lumière permet de voir... c'est l'oeil qui permet cette lumière... sans l'oeil, le réel ne serait que ténèbres lumineuses... L'oeil ouvre les paupières du monde.

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 19 juillet 2012

 

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