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BLOG LITTERAIRE
30 juillet 2012

MOI LA POESIE MODERNE J'Y COMPRENDS NIB

MOI LA POESIE MODERNE J'Y COMPRENDS NIB

En feuilletant "A la lumière d'hiver", de Philippe Jaccottet (Poésie/Gallimard)

1.
Avec des guillemets pour les citations que je fais de la poésie de Philippe Jaccottet, ces quatre notes où il sera question d'âmes à pattes, d'oiseaux aveugles, de pâte à crèpes, et de robe cousue à l'envers. Récemment, quelqu'un m'a dit : "Tu écris toujours à partir d'un autre auteur, toi ?" ; ben oui, c'est qu'j'ai rien dans la tête, moi.

2.
p.95 : "Ecoute, vois :" C'est-y pas qu'il monterait quelque chose là... là, c'est de la terre... "de beaucoup plus bas"... plus bas que la terre? De l'eau alors si on est en surplomb... surtout qu'ça va "par vagues"... "comme une lumière" dit-il... Ce n'est donc pas de la lumière... ce n'est donc pas que... le "comme" exclut... il souligne ici l'indéfinissable... c'est ailé en tout cas... ça a de "lents battements d'ailes blanches"... ça passe dans l'instant où "tout se tait"... ça vole vers d'autres "vols, plus blancs"... c'est qu'ils n'ont pas cheminé "parmi les racines boueuses"... les racines boueuses, ça nous connaît... nous en venons ; c'est nous et ce n'est plus nous... et voilà que l'un vers l'autre ça se met à courir... c'est qu'ça a des pattes alors... des âmes à pattes... des chépaquois de chépaoù... moi, la poésie moderne, j'y comprends pas grand chose... c'est d'ailleurs pour ça que ça me plaît... en art, j'aime pas trop comprendre... quand le sens est trop évident, quand il n'est plus que cette évidence, je me dis : tout ça pour ça ; je suis déçu, comme si on m'avait volé ma fée, privé d'énigme, comme si le monde était inéluctablement voué à être expliqué, épuisé, vidé de tout mystère.

3.
p.37 : "Et ces oiseaux aveugles"... C'est vrai que les oiseaux sont "aveugles"... miros, les piafs... vous me direz pourquoi répéter ce que vous venez de dire dans le peu d'argot que vous savez ? Parce que ça m'amuse, voilà... Ils voient bien les formes, les oiseaux, avec leur tout rond l'oeil, par exemple, ils voient bien celle qui "est déjà comme son propre cierge, éteint", mais ils voient pas la douleur, l'âme, le gros coeur qu'on a forcément dans sa vie, c'est fatal, on n'est pas de pierre. Voient rien les oiseaux ; les humains, eux, voient. Certains animaux sentent. J'ai entendu dire que les taureaux des corridas sentaient les odeurs de souffrance et de mort qu'échappaient leurs congénères en proie aux guignols sanglants qu'ont pas trouvé autre chose à faire dans la vie que d'aller risquer leurs roubignoles en agitant un bout de tissu rouge devant un bestiau qui leur a rien fait... donc, ils stressent, les taureaux. Les chevaux pleurent, dit-on, et pressentent leur abattage... j'aime bien l'idée de ces amoureux, mirette dans la mirette, le coeur tout dégoulinant, et l'âme toute frétillante d'avoir rencontré enfin chaussure à son pied, et qui s'avalent en flirtant gentiment de beaux morceaux de viande, et se montrent l'un l'autre la blancheur de leurs dents pour rappeler qu'ils sont aussi carnivores, très omnivores, si je t'attrape je te dévore...

4.
Dans la note 2 de cette page, j'ai employé l'expression "âmes à pattes", ce qui m'a fait penser que je me représente souvent l'âme comme une sorte de crèpe sinuosoïdale, et si sinuosoïdale signifie ce que je pense que sinuosoïdale signifie, ça me fait l'effet d'une sorte de galette fluctuante et tout à fait variable selon l'humeur du temps. Evidemment, la crèpe me vient de l'expression "pâte à crèpes", à rapprocher de l'âme à pattes et aussi de "pâte à fables", qui est une expression que j'ai lue je sais plus où.

5.
p.26 : "Il y a en nous un si profond silence"... C'est que parfois on fait silence... on a même l'impression que ce silence est profond... pourquoi cette profondeur soudaine ? cette soudaine densité du silence ?... C'est que nous en profitons pour réfléchir... comme pendant les minutes de silence à l'école où l'on se dit que ce soir, je mangerais bien des frites, moi, ce soir, dans un oeuf battu... ou qu'elle est vraiment jolie, la nouvelle surveillante... ou que comment vas-tu-yau-de-poêle et qu'alors on a envie de rire... comme devant une robe faite maison toute bleue, avec des moutons blancs dessus, pattes en l'air parce que la couturière a cousu la robe à l'envers... bon, on fait silence, un silence "si profond" nous dit le poète "qu'une comète en route vers la nuit des filles de nos filles, nous l'entendrions." Ce qui est très beau.

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 30 juillet 2012

 

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