QUELQUE CHOSE QUI CLOCHAIT AH TIENS

QUELQUE CHOSE QUI CLOCHAIT AH TIENS

"Pouvait-il y avoir vraiment quelque chose qui clochait dans un hôtel où l'on servait le thé à la mode ancienne ?"
(Agatha Christie, traduit par Claire Durivaux, A l'hôtel Bertram, Club des Masques n°104, p.142)

1.
La tradition, une illusion des "beaux jours", du "bon vieux temps". Elle renvoie souvent à l'aoriste heureux (le temps indéterminé, le temps sans temps). La tradition est une actualisation de ce qui ne fut pas, de ce qui n'aurait même pas pu être, de ce qui fatalement fut différent.

2.
L'aoriste est le fantôme d'un fantôme. (J'écris cela sans rire ; si ça se trouve, Pascal Quignard a déjà dit cela dans un de ces livres à merveilles).

3.
Notre mémoire : une maison pleine de cris lointains que nous nous efforçons de ne pas entendre.

4.
Je me souviens d'un manga lu dans une bibliothèque publique (dernier refuge gratuit des érudits désargentés) : il s'agissait d'une histoire de fantôme dans une résidence universitaire (là où il y a des corps étudiants qui dorment). C'était prenant comme tout. Je n'ai pas eu le temps de finir ma lecture ; le réel ne l'a pas voulu, que je reste trop longtemps en compagnie de l'étudiante mystérieuse à longs cheveux d'encre.

5.
Se dire, à l'instar du narrateur de La Java des bombes atomiques de Boris Vian que "y a quelque chose qui cloche là d'dans" permet en tout cas d'affirmer que nous sommes encore assez vivants pour avoir un regard critique sur les phénomènes qui  déploient autour de nous leurs collections de tentacules. D'ailleurs, nous y retournons immédiatement.

6.
Des fois, j'ai l'impression que l'extérieur frappe à ma porte, pousse à ma porte, presse à ma porte, s'infiltre par tant de tentacules que si je ne veux pas me retrouver tentaculé, pieuvré, poulpé, calamarisé, j'ai intérêt à vite me saisir d'une hache.

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 22 septembre 2012