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BLOG LITTERAIRE
10 novembre 2012

L'HUMAIN MINE L'HUMAIN

L'HUMAIN MINE L'HUMAIN
Notes sur Du Nord au Sud (Tome 2 des aventures des Tuniques Bleues, Scénario : Raoul Cauvin ; Dessins : Louis Salvérius), éditions Dupuis.

1.
Les bandes dessinées ne font pas d'autre bruit que celui des pages tournées, des rires des lecteurs. Pour le boucan, il y a les bouquins à scandale - on aime bien dans les médias les bouquins qui font du boucan ; pas tous cependant, faut que ça soit autorisé par les éminences grises - ; dans la bande dessinée, il y a les onomatopées : BOUM,  PAW PAW PAW, YIYIYIYI, WIIIIIIIIIIIIIIII, BOM, DOÏNG, BROM, TATATARIIITATAAA, PLAOUF. Muet comme boucan, mais marrant.

2.
Planche 5, on ne peut pas respirer avec un kilo d'acier entre les côtes. C'est ce que te rappelle ce capitaine qui crie Yipeee.Toi, tu cours en te disant que c'est un maniaque. La guerre prouve définitivement qu'en termes de civilisation, l'humain est un malade. Ceci dit, au regard des lois de la nature, c'est bien lui le plus fort. En outre, l'humain est son propre antidote. A y songer, c'est aussi réconfortant que désespérant.

3.
Tu regardes La Cour Secrète des Arcanes. La musique de ce film d'animation, dont le héros est ton cher Corto Maltese, tourbillonne comme la neige sur la retraite de Russie, comme une course d'égarés et de fantômes dans les ruines d'un empire.

4.
La nuit claire est hachée de pluie. On peut y voir des spectres courir sous les éclairs. J'aime bien la planche 29 pour son alternance de cases sombres et de cases claires tout ça pour finir, bien sûr, sur le vif jaune et rouge d'une explosion meurtrière.

5.
Planche 14, des jambes lancées à l'assaut. Le but, du pont, est de stopper ces jambes, puisqu'elles portent des fusils et des baïonnettes. Le monde, un noeud inextricable de trajectoires que suivent des infinités de jambes. Et puis y a évidemment les fatals croche-pattes, fauche-jambes, casse-gambettes, brûle-bottes, massacre-pieds, chausse-trappes et pièges à loups : l'humain mine l'humain.

6.
Planche 10, sabre levé : c'est qu'il s'agit de trancher le vif ; anthropoboucherie. On coupe en morceaux pour les repas de l'autre monde. Celui des vers et des dieux qui n'existent pas.

7.
Planche 31, chevaux : jetés à l'eau ; l'un tête en bas ; l'autre tête en haut. Et puis des pattes dans une grande gerbe. La chute : l'univers est une suite infinie de chutes dans un grand mouvement d'expansion. Pour donner du sens à ce grand casse-gueule, quelque ironique divinité a initié la suite conscience-douleur-langage. L'universel casse-gueule est devenu ontologique.

8.
Planche 17, le point d'interrogation au-dessus de la tête, l'habit noir de l'ange de la surprise.

9.
Planche 19, ça ploutche et ça platche, ce qui est comique, et liquide - vous vous en doutez, j'ai même pas besoin de vous décrire.

10.
Planche 33, "Qu'est-ce qui s'est passé ?" : je songe soudain que l'humain est le seul être à s'interroger sur le passé, et non seulement le sien, mais aussi celui des autres, qui prend alors valeur d'exemple. Ainsi, nos conversations évoquent souvent le passé récent et dramatique de gens que l'on connaît plus ou moins, ou alors nous nous plaisons à raconter nos récents amusements. C'est aussi l'une des raisons du travail de l'historien : prendre exemple sur les autres là, ceux du passé, afin de s'en inspirer, afin de ne pas refaire les mêmes erreurs, c'est-à-dire en faire d'autres, des inédites, des pas pensables que ça arrive quand même, car nous faisons dans l'original, nous les humains, on se distingue, toujours.

11.
Le progrès sert aussi à légitimer nos erreurs.

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 10 novembre 2012

 

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