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BLOG LITTERAIRE
10 novembre 2013

VADE RETRO, HUMANITAS

VADE RETRO, HUMANITAS

1.
"Vade retro, humanitas !" comme dit l'autre, devant son miroir.

2.
Comme je suis d'accord avec Nietzsche qui veut qu'il y ait "de l'art dans la moindre phrase bien faite, un art qu'il faut deviner si l'on veut comprendre la phrase" [Par-delà le bien et le mal, 246]; ainsi se posent les énigmes, ainsi déchiffre-t-on le sphinx.

3.
La guerre de cent ans, une poignée de batailles dans une longue période de troubles. Le temps de la guerre n'est pas le temps de la paix, il peut se concentrer en quelques années, quelques mois, semaines ou jours, comme il peut s'étirer dans les espaces divisés. 

4.
L'expression "mépris impersonnel", que je relève dans un volume de Nietzsche, me semble s'accorder avec cette sorte de mépris, de nausée que doit éprouver le dieu des créations lorsqu'il regarde par-delà sa barbe se tourmenter l'humanité. S'il ne nous met pas tous dans le même sac, c'est qu'il a de l'éternité à perdre. Vous me direz qu'il y a les Justes et les Saints. Ce sont les exceptions qui, justement, saintement, confirment la règle.

5.
Fantômas, tout ce qui, qu'on ne voit pas et qui, soudain, à la gorge.

6.
Nietzsche compare la littérature de son temps à un "marécage lentement remué de sons qui ne chantent pas, de rythmes qui ne savent pas danser" [Par-delà le bien et le mal, 246]. Je m'épate, moi aussi, lorsque j'ouvre un volume récemment paru, de lire des phrases sans style, des phrases pâles, ni bonnes, ni mauvaises, si neutres souvent qu'on a envie d'y insérer des fautes de goût, qu'on a envie de les caractériser en les rompant, en les tachant, en les tordant comme des poupées surréalistes. Ce sont, toutes ces phrases grises, rien d'autre que des phrases-outils - je ne doute pas d'ailleurs qu'un logiciel du futur finira par composer des romans tout entiers, des romans "vrais", authentiques et humains, des romans parfaits, c'est-à-dire parfaitement en phase avec les lois du marché - des phrases-outils qui servent au romancier à raconter une histoire dont les chroniqueurs nous disent souvent qu'elle est passionnante, intéressante, palpitante, indispensable. Un roman ne serait alors qu'un conte moderne, qu'une manière de rappeler, d'enseigner, une forme raffinée de didactisme, une fine leçon de morale (pouah !), pire, d'humanisme (vade retro, humanitas !), c'est que ma pomme, je n'ai jamais trop aimé le fatalisme qui préside aux contes - on a beau le lire et le relire, La Belle au bois dormant finit toujours de la même façon -, et j'ai souvent considéré qu'un bonhomme, ou une bonne femme, qui avait si mauvaise haleine et du poil partout, n'avait pas de leçon de morale à me donner ni rien à m'apprendre que je ne puisse trouver dans des livres écrits par d'autres imbéciles.

7.
Lorsque les caprices de l'informatique, ou mon incompétence, me font perdre un texte dans les limbes de mon ordinateur, j'arrive la plupart du temps à le recomposer de mémoire. Mais dans ce qui ne me revient pas, ce que je regrette, c'est moins une idée elle-même qu'une alliance particulière de signes, un rythme, un effet de sons, ou de sens. C'est le style qu'on regrette, et non la fausse monnaie des idées.

8.
Soyons francs, on regrette moins les grands hommes que leur style. C'est le style seul qui finit par être légendaire.

9.
Il est dommage que Magritte n'ait pas pensé à faire suite à sa fameuse toile Ceci n'est pas une pipe par une toile figurant par exemple un hareng saur, et à laquelle il aurait donné le titre de "Ceci n'est pas une pipe non plus". De même, Duchamp aurait pu faire un ready made avec un tuyau de poêle, ou une toile à matelas, et aurait pu avoir l'ingéniosité d'appeler ça Ceci non plus n'est pas une pipe. Vous me direz que tout cela eût fait redondant, pipeau peut-être. Oui.

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 10 novembre 2013

 

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