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BLOG LITTERAIRE
18 juillet 2005

Michel Caccia

MICHEL CACCIA, DES TRETEAUX A L'ESTRADE
      
          
ENTRETIEN AVEC UN ACTEUR

Nandy, le 15 juillet 2005,
Preuve supplémentaire, s'il en faut, que les blogs sont tournés vers l'extérieur, le Blog Littéraire vous propose aujourd'hui l'interview du comédien et professeur d'art dramatique Michel CACCIA.

Le Blog Littéraire : Un coup d'oeil sur votre biographie suffit pour voir que vous avez une carrière bien remplie. Comment cela a-t-il commencé ?

Michel Caccia : Je tiens tout d'abord à préciser qu'être acteur, c'est d'abord un choix de vie qui demande beaucoup d'humilité et la capacité de savoir se mettre en danger.
J'irais même plus loin, l'acteur est un homme qui se compromet. Il est le porte-paroles d'idées qui ne lui appartiennent pas; il est perpétuellement en position d'être critiqué, envié, jalousé, admiré outre-mesure, trahi; il dépend souvent d'intérêts économiques ou politiques qui le dépassent. D'où sa singularité. D'où sa vulnérabilité.
Lors du tournage du Goût des Autres, Agnés JAOUI avait l'habitude de dire : "L'acteur dépend du désir de l'autre."

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Au Conservatoire de Paris, dans Des Souris et des Hommes de Steinbeck, avec de gauche à droite : Daniel Russo, Michel Caccia, Patrick Raynal.

Le Blog Litt. : Et concrétement, comment avez-vous débuté?

Michel Caccia : Par la voie royale, à savoir le cours Florent, qui est devenu une référence sur la place de Paris, l'Ecole Robert Hossein à Reims, en 1970, -une expérience passionnante-, et enfin le Conservatoire National Supérieur d'Art Dramatique de Paris, dans la classe de Louis SEIGNER, promotion 1976, où j'ai d'ailleurs eu comme camarade de classe le comédien Patrick RAYNAL.
Ensuite, la vie de comédien, avec ses rencontres, ses coups de chance et surtout le travail.
Jean ROCHEFORT m'a dit un jour : "L'acteur doit avoir du talent, de la chance et de la contemporanéïté".
Ce qui signifie qu'un acteur ne peut pas réussir sans travail, bien sûr, mais il doit aussi comprendre son époque. Ce que d'ailleurs Jean ROCHEFORT a parfaitement saisi comme le montre le choix de certains de ses rôles, le tueur à gages désemparé de Cible émouvante ou le psychopathe de Barracuda par exemple.

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Le Blog Litt. : Si je compte bien, vous avez  derrière vous 35 années de carrière et donc beaucoup d'expériences diverses ?

Michel Caccia : Effectivement, la diversité est dans la nature même du métier d'acteur : doublage, radio, télévision, publicité, café-théâtre, théâtre, cinéma, mise en scène, enseignement, autant de modes d'expression que, à l'instar de la plupart des comédiens, j'ai l'occasion de pratiquer.
Bien entendu, à chacun de ces médias correspond une manière de travailler spécifique. Le théâtre et le cinéma, par exemple, sont des moyens d'expression très différents.
Le théâtre est un art de la continuité : le comédien joue un personnage dans la continuité de la pièce, dans la continuité de l'ensemble des représentations. Il a donc la possibilité de faire évoluer son rôle soir après soir et en relation directe avec son public.
Le cinéma est un art du découpage, - avant d'être un art du montage! - : le planning de tournage dépend des lieux choisis, du climat, bref, d'impératifs extérieurs qui conditionnent la chronologie de la réalisation du film. L'acteur travaille donc en discontinuité. Par exemple, la dernière scène d'un scénario peut-être filmée au début du tournage.
Dans un cas comme dans l'autre, cela oblige l'acteur à la plus grande des souplesses.
Pour revenir sur la remarque d'Agnés JAOUI, - "L'acteur dépend du désir de l'autre" -, on peut même parler d'imprévisibilité à propos de ce métier : on peut être fait pour un rôle et ne pas être choisi par un réalisateur ou un producteur.
Soyons clair, au fur et à mesure du déroulement d'une carrière, on peut plaire ou ne pas plaire selon le moment : L'acteur ne peut pas être sans la conscience de son paraître. Il se doit d'être conscient de l'effet qu'il produit sur son entourage professionnel. Cela passe, à mon sens, par l'apprentissage de soi-même, la connaissance de soi.

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Dans le rôle de La Flêche (l'Avare), avec Jean-Pierre Darroussin.

Le Blog Litt. : Diriez-vous  que l'essentiel est donc de savoir qui on est vraiment ?

Michel Caccia : Absolument. C'est cela qui nous permet d'endosser un rôle, de l'incarner, de devenir le porte-paroles d'un auteur.
En ce sens, l'acteur est indéfinissable; il est questionnement.
Prenons un exemple, dans les années 70, j'ai interprété au festival d'Avignon le Créon de l'Antigone de BRECHT dans une mise en scène de Jean-Louis MARTIN-BARBAZ. Le parti pris était un rapprochement entre le mythe grec et la résistance au nazisme. Créon avait donc tous les pouvoirs. L'interprétation du rôle demandait non seulement une réflexion sur la politique mais aussi sur la nature même du métier d'acteur qui, parce qu'il maîtrise la prise de parole, peut être lui aussi un homme de pouvoir.
On ne peut pas aborder un rôle important de manière superficielle. Il faut s'investir physiquement, intellectuellement et même moralement. C'est ainsi que l'on arrive à être profond, à avoir une certaine épaisseur comme ce fut le cas de Jacques DUFILHO, d'Alain CUNY, de Michel BOUQUET qui sont des acteurs de la profondeur, du questionnement et pour moi, des références.

Le Blog Litt. : Les noms que vous citez relèvent d'une tradition littéraire de l'art dramatique. Pensez-vous que cette tradition perdure ?

Michel Caccia : Ce que je déplore actuellement, c'est que la superficialité semble gagner du terrain.
Le cabaret tel que le pratiquaient Fernand RAYNAUD et ceux que l'on appelait "les chansonniers" avait pour but certes de faire rire mais avec des textes réellement écrits, composés. Le modèle même de ce type d'écriture est Raymond DEVOS dont les textes, parce qu'ils sont composés avec le plus grand soin, ont une portée universelle.
Aujourd'hui, certains se laissent aller à la facilité, la vulgarité, des effets comiques récurrents et très lourds.
En revanche, des comédiens comme François MOREL ou Vincent LINDON me semblent correspondre à cette idée de contemporanéïté. Ils appartiennent avec talent à leur époque.

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Dans le rôle du Fou de Saint Colomban et moi
réalisation : Hervé Baslé (1979).




J'aimerais ajouter quelque chose.Paradoxalement,
plus on dispose de moyens de communication, moins cette communication semble de qualité : le langage SMS utilise un vocabulaire et une syntaxe appauvris, la communication directe du face-à-face, du rendez-vous, tend à se raréfier. On communique avec des interlocuteurs virtuels et non plus dans la présence physique de contradicteurs potentiels.
C'est pourquoi l'enseignement de l'art dramatique me semble essentiel si l'on veut préserver une certaine exigence de qualité dans ce qu'il est convenu d'appeler communication et qui est en fait l'expression des rapports que les individus entretiennent entre eux.

Le Blog Litt. : Iriez-vous jusqu'à dire que l'art dramatique relève de l'éthique ?

Michel Caccia : Depuis l'Antiquité et l'invention du théâtre par les grecs pour qui la pièce interprétée était à la fois un acte religieux, politique, journalistique et moral, l'histoire du théâtre peut se comparer à une collection de miroirs dans lesquels l'humanité a cherché à comprendre comment elle évoluait, a cherché à se reconnaître, et, bien sûr, en premier lieu par le rire que l'on retrouve dans tout le répertoire, depuis ARISTOPHANE jusqu'à, par exemple, L'Atelier de Jean-Claude GRUMBERG.
Je dirais donc qu'en effet, cela concerne l'éthique, la morale et qu'il faut donc une transmission, un enseignement des valeurs du théâtre. Enseigner l'art dramatique, c'est non seulement utiliser son expérience professionnelle, son savoir-faire mais aussi son "savoir-être humain". Ce qui va de pair avec la maturité qui permet le dialogue avec les autres et surtout les plus jeunes que soi. Enseigner, c'est tenir compte de l'autre qui est, par définition, radicalement différent de soi.dans_le_r_le_du_cur__de_la_femme_du_boulanger__mise_en_sc_ne_de_m._galabru.



Dans le rôle du Curé, La Femme du Boulanger, mis en scène par Michel Galabru (1996).


Le Blog Litt. : Si je comprends bien, pour vous, l'enseignement et la pratique du métier sont indissociables ?

Michel Caccia : Pour moi, la transmission du savoir-faire de l'acteur est nécessaire pour comprendre, par le dialogue avec les élèves, l'évolution des mentalités mais cette transmission s'inscrit aussi dans la continuité du métier.
Actuellement, j'ai le plaisir d'enseigner dans deux conservatoires de région : le Conservatoire de Savigny-le-Temple, sous la direction de M. Philippe BILLOT, et l'Ecole de Musique et d'Art Dramatique de Fontainebleau, sous la direction de M. Patrick CHADAILLAT.
Mes cours s'adressent autant à des adolescents qu'à des adultes, ce qui me permet de mieux appréhender encore cette idée : la pratique de l'art dramatique aide à savoir-être et ainsi, dans une certaine mesure, à avoir prise sur son devenir.
Parallélement, et c'est pour moi un grand bonheur, je suis appelé à travailler sur des mises en scène. Actuellement, dans le cadre des activités du Conservatoire de Savigny-le-Temple, je prépare la mise en scène de Véronique d'André MESSAGER, avec des représentations prévues pour février 2006.

Le Blog Litt. : Mais c'est une opérette !

Michel Caccia : Oui, c'est une chance de pouvoir, au sein d'un même conservatoire, associer la musique et le théâtre. Nous en avons d'ailleurs fait l'expérience cette année avec Les Saltimbanques de Louis GANNE.

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"L'acteur ne peut pas être sans la conscience de son paraître."


Le Blog Litt. : Pour conclure, quels conseils donneriez-vous à quelqu'un qui se destine au métier de comédien ?

Michel Caccia : Celui ou celle qui se destine réellement à une carrière théâtrale le fera, ce métier, de toute façon et envers et contre tout.
Néanmoins, il faut savoir que, selon l'expression commune, "il y a beaucoup d'appelés et peu d'élus". Il y faut donc volonté et acharnement à toute épreuve.
Jean-Pierre DARRAS, que j'ai eu comme professeur au cours Florent, disait : "Etre acteur, c'est premiérement physique, deuxiémement physique, troisiémement physique." Cela signifie "santé de fer" mais aussi une grande exigence technique.
Le meilleur conseil que je puis donner est de passer par un cours d'art dramatique pour y acquérir les bases nécessaires à l'apprentissage du métier telles que la maîtrise de la respiration et de la concentration, l'utilisation de l'instrument "voix" et cela dans le but de se faire entendre. "La première politesse du comédien est de se faire entendre et comprendre" disait Louis SEIGNER.

                         Patrice HOUZEAU
                         Nandy, le 15 juillet 2005
                         Hondeghem, le 18 juillet 2005.

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Commentaires
R
Annonce parue dans le bulletin d’En3mots du 4 septembre 2007<br /> <br /> Rentrée littéraire: nouveau genre, nouveau prix!<br /> Alors que la rentrée littéraire bat son plein, le rayon de la littérature politique est particulièrement rempli. Ce nouveau genre littéraire prend de plus en plus d’importance et l’association Edgar Faure l’a bien compris. <br /> <br /> C’est pourquoi elle a décidé de décerner un prix de littérature politique, le prix Edgar Faure, qui sera remis pour la première fois le 22 novembre 2007 sur le Toit de la Grande Arche<br /> <br /> Article paru sur le site www.en3mots.com le 4 septembre 2007<br /> <br /> Le Mardi 04 Septembre 2007<br /> Rentrée littéraire: nouveau genre, nouveau prix!<br /> Voici un genre qu’Edgar Faure n’aurait pas renié. <br /> <br /> Cet homme politique français important du milieu du XXème siècle était en effet connu pour ses traits d’esprit redoutables, mordants et souvent clairvoyants sur la politique de ses contemporains. <br /> <br /> Il est donc presque naturel qu’un prix de littérature politique porte son nom. Son petit-fils, Monsieur Rodolphe Oppenheimer, président fondateur de l’association, a convoqué un jury prestigieux de neuf membres, parmi lesquels le ministre Roland Dumas,la secrétaire d’Etat Nathalie Kosciusko-Morizet, le sénateur David Assouline et de nombreux journalistes de tous bords politiques,comme Eric Zemmour (Le Figaro) et Alain Auffray (Libération). <br /> <br /> Ce jury, pour le moins éclectique, garantit des délibérations pleines de surprises.<br /> <br /> Douze livres sont jugés pour cette édition, tous différents. Parmi la sélection, on trouve des ouvrages axés sur l’actualité proche comme OPA sur le PS de Claude Lévy, Le grand perturbateur, réflexions sur la question iranienne de Thérèse Delpech, ou Vous, les candidats de Francis Mer, des ouvrages plus cyniques, comme Politiques cherchent audimat, désespérément d’Apolline de Malherbe, et des essais plus historiques comme Guerre ou Paix, essai sur le monde de demain de Laurent Cohen-Tanugi et enfin un magnifique roman Un été à Alger de Nasser Zammit. <br /> <br /> Enfin, Tigres et tigresses de Christine Clerc, Mondialisation, la France à contre-emploi de Jean Athuis, Les lumières de l’espoir, l’étoile, le triangle et la rose de J-M Rosenfeld, La France en recomposition de J-F Lhérété, Gouvernance environnementale de Pascal Benveniste et Un Esprit libre d’Henri Cavaillet sont aussi en lice. La richesse de la sélection et la pertinence du jury laisse présager un événement littéraire à la hauteur de nos attentes.<br /> c.reynaud
A
J'habite le petit village de St-Coulomb et depuis des années je suis à la recherche de documents relatifs à St-Colomban, ce saint fondateur de notre commune. Malheureusement Mr H. Baslé a perdu la copie de ce télé-film ... Auriez-vous par miracle une copie de ce document où vous jouiez un rôle très important. Merci de me faire connaitre votre réponse.
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