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BLOG LITTERAIRE
18 décembre 2005

CHRONIQUES NAÏVES 3

CHRONIQUES NAÏVES 3

Je sais que la terre mange les yeux. C'est comme ça ! Un jour, on meurt. Clac ! On claque. Et puis, plus rien. Et plus jamais on ne verra ce qui nous plaisait tant. Plus jamais on ne sera à contempler le temps qui passe. Aussi bon nombre d'architectes contemporains sont-ils de fieffés criminels qui nous flanquent sous les yeux du béton, du béton, du béton tant et plus qu'à la fin les gens ont des regards tristes qui pourtant, parfois, s'allument d'étranges flammes.

Comme les scrogneugneux avaient rongé tous nos murs, nous fûmes contraints d'installer la bibliothèque parmi les arbres. Pour atteindre les plus hautes branches du savoir, nous eûmes bientôt l'idée d'utiliser les girafes, nombreuses en cette saison. Ce fut fort pratique. Les girafes se mirent à lire et à échanger avec nous des propos fort intéressants sur toutes sortes de sujets. Je dois dire qu'elles ne manquaient pas de hauteur de vue quoique parfois elles se montrassent quelque peu hautaines.

Il m'a souvent semblé que l'amitié ressemblait à ce rhum que l'on met dans le café ; cela vous réchauffe un peu, vous égaie même quelques instants puis cela se refroidit vite. Aussi, pour ma part, suis-je ingrat et ne désire point d'amis.
Cela ne m'empêche pas de rendre service mais seulement s'il fait bon dehors. Sinon je dors et je grommelle.

Je ne puis m'empêcher de penser que, la nuit, tant de gens dorment et songent tout en portant en eux des organes malades, des maladies tarabiscotées, des peuples d'ombres. A la Dunkerquerie, en ce moment, il  semble qu'il y ait circulation de virus innommables, - puisque les médecins ne savent pas leur donner de nom -, et qui nécessitent des soins sérieux. Les rumeurs en ville font même état de morts rapides et assez mystérieuses. Mais je vous demande un peu qui serait assez fou pour venir élever ses enfants à la Dunkerquerie s'il n'y était obligé.

Il se peut bien que, comme l'affirme Henri Michaux, "la nuit remue" de toute une population agitée d'êtres abstraits, au sang d'encre, aux yeux noirs sur fond de nuit blanche. Ce sont ces mêmes êtres, je pense, qui impriment les livres et font semblant d'être immobiles, chacun à leur place dans l'économie du roman. Mais, les lisant, nous les délivrons de leur sortilège de papier et ils se mettent à s'agiter en nous, à tournoyer dans nos cervelles, à formuler des phrases étranges que soudain nous prononçons sans même y penser. Et quand nous nous rendons compte de ce que réellement nous venons de dire, ah comme nous nous croyons malins !

Patrice Houzeau
Rosendael, le 7 décembre 2005
Hondeghem, le 18 décembre 2005

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