UNE VICTIME DE LA MONDIALISATION

UNE VICTIME DE LA MONDIALISATION

Jean-Marcel Petitpois, veuf de Dame Jeanine Petitpois (institutrice), retraité de l'éducation nationale et vieux militant socialiste qui, depuis quelques mois, se demandait pourquoi il n'arrivait pas à mettre la main sur une vieille édition du Germinal de Zola, édition à laquelle il tenait beaucoup et qu'il avait reçue des mains mêmes de son père, Félix Petitpois, le jour où il avait obtenu son CAPES d'Histoire, était certain que, pour cette fois, c'était décidé puisqu'il venait de passer les quinze derniers jours à peaufiner une stratégie adaptée au style du jeu de son adversaire avec lequel il jouait chaque semaine, tous les jeudis soirs depuis quinze ans, c'est dire s'il les connaissait, ses habitudes de jeu, - à l'autre anarchiste là ! - , c'était donc aussi sûr que la fin du communisme, il battrait son vieux camarade Raoul Picard aux échecs.

Cela aurait pu se faire ; hélas, mille fois hélas, Jean-Marcel Petitpois, ce jour-là, alors qu'il préparait la bouteille de Ricard et les amuse-gueules, glissa malencontreusement sur un jouet à la con, un corsaire de l'espace au nom de poisson dans son galion stellaire clignotant et couinant et sifflant, tout gigotant épileptique, faisant des cram boum hu et des zips et des zaps et des pim pam poum en chinois qui plus est puisque c'était un bidule made in china, lequel jouet appartenait à son petit-fils, François Petitpois qui n'en fichait pas une à l'école et qui, désordonné et casse-couilles comme tous les enfants, fut donc à l'origine de ce stupide accident domestique qui coûta la vie à son papy puisque l'émérite de l'éducation nationale se fendit le crâne et mourut sans avoir eu la possibilité d'avouer à son vieux camarade que, ce beau soir de mai 1977, il avait trafiqué la voiture de Jeanine puisqu'il savait que, pendant qu'il préparait consciencieusement, - Jean-Marcel avait toujours été un consciencieux -, l'avenir de la gauche et les sandwichs thon-mayonnaise des longs meetings, congrès, campagnes et autres universités d'été, ils s'envoyaient en l'air comme des malpropres, l'autre anarchiste là et Jeanine qui avait toujours su faire la blanquette à la perfection mais qui n'était qu'une salope.
Il comptait sur l'effet de surprise pour la lui flanquer, sa pâtée, à l'autre là ; il mourut la gueule ouverte dans une flaque de sang, se souvenant in extremis et sans raison que le roi Louis XVI avait été guillotiné un 21 janvier.

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 22 janvier 2006

Comments

[EliseA]

j'adore ça! bravo! je l'entends très bien à la radio, genre "les dix mots de midi" lemergie france inter, ou encore "des papous dans le tête" france culture.
biz EliseA