J'AVAIS OUBLIE CE NOM TEGEL

J'AVAIS OUBLIE CE NOM TEGEL

Tegel - Tour de garde.
Une nuit claire une nuit trouble
La neige est compacte sous les miradors
Sous les miradors où l'on dort d'un oeil en attendant qu'il m'appelle le mirador nord pour me dire qu'il est temps d'appeler le chef de poste mais c'est la nuit et le sergent dort alors c'est un caporal qui est au poste et un caporal on s'en fout alors on dort
Dans la nuit où il y a peut-être un pauvre homme de Polonais qui erre à proximité dans la grande nuit de Berlin un pauvre homme de Polonais que les Oranges (le terme de Rouges nous était interdit ainsi que le Chant des Partisans Blancs que nous connaissions tous par coeur) que les Oranges donc envoyaient se faire choper dans les grillages par nos chiens histoire de tester l'efficacité de nos réactions
C'est à l'arsenal bourré à tout péter - message dissuasif aux Oranges : faites pas les cons car vous mettriez la moitié de Berlin en danger  - en face de l'aéroport que nous montons la garde
Il faut faire gaffe à ne pas pointer les projecteurs sur le ciel pour ne pas gêner les avions
Une nuit claire une nuit trouble
La neige la neige la neige Je pense à chez moi en France oh comme j'aimerais être seul pourtant il faut bien des sentinelles à l'Occident
Ce n'est d'ailleurs pas si désagréable et plutôt instructif d'assister sans le savoir aux prémices de la fin de l'Empire soviétique
(Mais cela je le saurai plus tard en regardant la télévision et ce mur de Berlin qui tombe dans la joie des Berlinois enfin réunis)
Le temps passe Le temps passe Le temps passe Lentement à la montre à mon poignet
Les aiguilles y brillent familiérement quoiqu'indifférentes
Voilà la relève qui monte le métal noir taché de rouille
La relève Dormir.

Patrice Houzeau
Lens, novembre 1989 - Hondeghem, le 18 mars 2006