Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
BLOG LITTERAIRE
24 avril 2006

LEGERETE DU MESSAGER

LÉGÈRETÉ DU MESSAGER
Note sur Aucassin et Nicolette XIV et XV (Edition Jean Dufournet, GF Flammarion)

Un "veilleur, du sommet de la tour" ("Et li gaite qui estoit sor le tor") veut avertir Nicolette du danger qu'elle court. En effet, des "archers du guet" ont reçu l'ordre du comte Garin de Beaucaire, le père d'Aucassin, l'ami de Nicolette, d'assassiner la jeune fille. Aussi les sbires s'avancent-ils, l'épée dégainée, et ne font pas mystère de leurs intentions :

La u Aucassins et Nicolete parloient ensanble, et les escargaites de le vile venoient tote une rue, s'avoient les espees traites desos les capes, car li quens Garins lor avoit conmandé que, se il le pooient prendre, qu'i l'ocesissent. Et li gaite qui estoit sor le tor les vit venir, et oï qu'il aloient de Nicolete parlant et qu'il le maneçoient a occire.

Alors qu'Aucassin et Nicolette parlaient ensemble, les archers du guet s'avançaient dans la rue, l'épée dégainée, car le comte Garin leur avait donné l'ordre de la tuer; s'ils pouvaient l'attraper. Le veilleur, du sommet de la tour, les vit venir ; il les entendit parler entre eux de Nicolette et menacer de la tuer.
(traduction d'après Jean Dufournet)

Du coup, notre brave veilleur s'empresse d'avertir Nicolette qui vient de prendre congé de son amoureux . Il lui tint ce langage :

"Mescinete o le cuer franc,
cors as gent et avenant,
le poil blont et avenant,
vairs les ex, ciere rïant.
Bien le voi a ton sanblant :
parlés as a ton amant
qui por toi se vas morant."

"Jeune fille au coeur noble,
tu as le corps élégant et séduisant,
les cheveux blonds et charmants,
les yeux vifs et le visage riant.
Je vois bien, qu'à ce qu'il semble,
Tu viens de parler à ton ami
Qui se meurt d'amour pour toi."
(trad: d'après Jean Dufournet)

Légéreté du messager qui constate "les yeux vifs et le visage riant" de Nicolette alors qu'elle vient de parler à ce pauvre Aucassin qui se meurt d'amour pour elle.
Autrement dit, rien de mieux pour éclairer le visage de la jeune fille qu'un amoureux transi d'amour et qui vient de lui tenir des propos assez cocasses :

- "Avoi ! fait Aucassins, bele douce amie, ce ne porroit estre que vos m'amissiés tant je fac vos. Fenme ne puet tant amer l'oume con li hom fait le fenme ; car li amors de le fenme est en son oeul et en son le cateron de sa mamele et en son l'orteil del pié, mais li amors de l'oume est ens el cué plantee, dont ele ne puet iscir."

- "Allons donc ! dit Aucassin, ma très douce amie, il n'est pas possible que vous m'aimiez autant que je vous aime. La femme ne peut aimer l'homme autant que l'homme aime la femme ; car l'amour de la femme réside dans son oeil et tout au bout de son sein et tout au bout de son orteil, mais l'amour de l'homme est planté au fond de son coeur d'où il ne peut s'en aller." (traduction : Jean Dufournet)

Effectivement, il y a là de quoi rire.
Comique, l'Aucassin et ravie, Nicolette.

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 24 avril 2006

Publicité
Publicité
Commentaires
O
JEu de miroirs, et grands mystère... Comme dans Floire et Bancheflor, l'inversion, le miroir jouent à plein dans Aucassin t Nicolette. Avec sans doute l'infleunce de la tradition orale qui allait donner les 1001 nuits (bel heureuxe t bel heueuse) où il n'est quyestion que de doubles (sinbad le marin, sinbad le portefaix) et de sosie, ou de soeurs plus ou moins jumelles, Shéhérazade et dinarzade... Miroir comme 1001 lui-même qui dédouble, en miroir tout nombre de trois chiffre le multipliant... Et miroir encore que la belle sarazine portant un nom franc, Nicolette et le prince franc portant un nom arable: Al Kacem...
BLOG LITTERAIRE
Publicité
Archives
Albums Photos
Publicité