"couleur du temps"

"COULEUR DU TEMPS"
Note sur Pour une dame imaginaire de Paul-Jean Toulet (Contrerimes)

POUR UNE DAME IMAGINAIRE

Pour une dame imaginaire
        Aux yeux couleur du temps,
J'ai rimé longtemps, bien longtemps :
        J'en étais poitrinaire.

Quand vint un jour où, tout à coup,
        Nous rimâmes ensemble.
Rien que d'y penser, il me semble
        Que j'ai la corde au cou.

Le poème illustre assez l'ironie de l'auteur.
Deux strophes, deux images de la femme.
D'abord, la vision. La "dame imaginaire" que l'on pare des qualités "du temps" et qui correspond donc à l'idéal que l'on se fait de la femme à un moment donné.
C'est pour ces fantômes-là que certains riment, pour l'amour des imaginaires élégances, à s'en rendre malade, même, du coeur : "J'en étais poitrinaire".

Mais la réalité est une grande donneuse de gifles.
Voilà le souhait accordé, le rêve réalisé, le passé simple rare et précieux, - nous rimâmes -, et "la corde au cou" des gens qui se rendent soudain compte qu'ils ne sont pas faits pour vivre avec quelqu'un.

Tout de même :
" Pour une dame imaginaire
         Aux yeux couleur du temps"
sont deux forts beaux vers et cette femme-vision, - et non plus la poupée fantasmatique des revues, vidéos et maintenant dvd -, d'autant plus imaginaire, aux yeux d'autant plus "couleur du temps" qu'elle est justement irreprésentable, - ou très difficilement, d'où l'importance de certains peintres -, donne à penser qu'il y a beaucoup sans doute à chercher de ce côté là de la fantaisie onirique.

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 4 mai 2006