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BLOG LITTERAIRE
1 juillet 2006

RIRE DU SPECTRE

RIRE DU SPECTRE
Notes sur Petite mort pour rire de Tristan Corbière
(Rondels pour après in Les Amours jaunes)

Celui qui écrit jaune comme on rit porte un prénom à faire son tristan.
Sa silhouette a dû fréquenter l'atelier hanté d'un peintre de fantasques, s'est étonnée aux masques et a cru voir son frère dans un squelette.
Celui qui se parle à lui-même, puisque vivre, c'est entretenir avec le cadavre que l'on porte un dialogue constant, celui-là conseille au "léger peigneur de comètes" d'aller "vite", de fendre l'air une fois qu'il sera tout à fait fantôme, rendu à la terre, aux "herbes au vent" qui "seront tes cheveux", d'aller vite puisqu'il s'agit de jaillir, de surgir, de s'évader :

Va vite, léger peigneur de comètes !
Les herbes au vent seront tes cheveux ;
De ton oeil béant jailliront les feux
Follets, prisonniers dans les pauvres têtes...
    (Tristan Corbière, Petite mort pour rire, vers 1-4)

Tu te feras chanson aux rimes internes, passant du libre comme l'air,
vif et léger,
aux herbes au vent
puis à ces flammes de ton oeil béant,
ces feux follets prisonniers.
Chansonnette même, petite danse pour carnaval funèbre :

Les fleurs de tombeau qu'on nomme Amourettes
Foisonneront plein ton rire terreux...
Et les myosotis, ces fleurs d'oubliettes...
    (vers 5-7)

Le spectre, c'est aussi un rire, un rire sépulcral, un rire terreux.
Tu te vois donc, Tristan, en gothique fantaisie, la tête de mort enfarinée de fleurs, Amourettes et forget-me-not, - ces myosotis -, ces "ne m'oublie pas d'oubliettes", ces fleurs d'oxymore, ces ironies puisque l'on ne va pas se recueillir sur la tombe d'un fantôme.

Du reste, à quoi te servirait de "faire le lourd" ?
Tu préféras vivant la légereté au gémissement, la blague à la plainte ; ce n'est pas pour, une fois passé, te mettre à terroriser les passants.
Quel plaisant fantôme tu fais !
A te lire, maintenant que tu t'es dissous dans l'air, on te prend au mot, on te prend au jeu :

Ne fais pas le lourd : cercueils de poètes
Pour les croque-morts sont de simples jeux,
Boîtes à violon qui sonnent le creux...
Ils te croiront mort - Les bourgeois sont bêtes -
Va vite, léger peigneur de comètes !
    (vers 8-12)

Mais ce n'est guère correct que de rire avec toi, Corbière, vieux spectre, et c'est très mal vu pour sûr que de plaisanter avec la mort qui n'en a plus pour très longtemps.
Surtout que pour tout le monde, t'es plus que d'la terre sur des os :

Ils te croiront mort - Les bourgeois sont bêtes -

Et pourtant, il y a la ronde, l'éternel retour du premier vers :

Va vite, léger peigneur de comètes !

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 1er juillet 2006

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Commentaires
R
J'ai découvert Beau site sur corbières...<br /> <br /> http://ludo75.club.fr/index.htm<br /> <br /> Pur info: les éditions Zulma, très bonne maison doivent leur nim à unpoème de corbières "à la,mémoire de Zulma...
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