J'AVAIS MILLE ANS

J'AVAIS MILLE ANS

J'avais mille ans. Ou deux mille. Ou dix mille. Cela importe peu, le temps n'étant qu'un masque. Des fleuves me turlupinaient. Entre les océans carnassiers, le soleil, barque lourde des cadavres, décomposait les chairs de son couteau sans cri. les ventres et les têtes tranchées attachaient leurs plaies aux colliers des rapaces et des blasons. L'horizon fut une maison en flammes et des langues inconnues tournaient dans les bouches aux fleuves remontées. Parmi les signes et les symboles qui commençaient à affluer de toute part pour peupler l'occident, on ne pouvait deviner de tous ces enfants aux yeux noirs voués au vif du geste, aux aguets entre ces limites sans limites, quel serait celui qui pousserait le cri qui ménera les poitrines au glaive. Sans doute aurait-il d'abord parlé latin dans quelque légion, sans doute se serait-il d'abord frotté aux forêts noires, aux campagnes ignorées, au linge ensanglanté des messagères, aux différentes phases de la lune, sans doute aurait-il entendu toutes ces chanson à énigmes qui disent la magie et le nombre, - et dont nous avons conservé, - peut-être -, quelques cadences et quelques traits -, sans doute aurait-il, avant d'unir quelques têtes rousses, avant de fonder la Table Ronde, remonté des fleuves aux langues étrangères,  toutes semblables et toutes différentes comme les visages d'un même clan.

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 13 décembre 2006 

Comments

[orlando de rudde]

Bô! Quelques souvenirs d'Ezéchiel!