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BLOG LITTERAIRE
18 janvier 2007

IMPUISSANCE DE MATAMORE

IMPUISSANCE DE MATAMORE

Notes sur L'illusion comique de Corneille

"Tu connais ma valeur, éprouve ma clémence."
    (Acte III, Scène 9, vers 949)

Matamore s'adressant à son valet Clindor imite ici le style de la tragédie.
Ce qui le caractérise, Matamore, c'est son impuissance à se hisser au niveau du discours héroïque qu'il prétend incarner.
A la scène 9 de l'acte III, la rivalité Matamore/Clindor (tous deux se disent amoureux d'Isabelle) en arrive au point où Clindor est sur le point de se battre en duel avec son "patron" :

"Plutôt, si votre amour a tant de véhémence,
Faisons deux coups d'épée au nom de sa beauté."
    (vers 950-951)

Matamore, bien entendu, ne va pas saisir l'occasion qui lui est offerte de prouver sa vaillance et, illico, s'empresse d'abandonner tout espoir de conquête du coeur d'Isabelle :

"Parbleu, tu me ravis de générosité.
Va, pour la conquérir n'use plus d'artifices ;
Je te la veux donner pour prix de tes services ;
Plains-toi dorénavant d'avoir un maître ingrat !"
    (vers 952-955)

On notera le juron faussement viril ("parbleu") censé masquer la couardise du fanfaron sous une apparence de bonhomie.
De plus, l'offre de Matamore est assez insultante pour Isabelle qu'il prétend donner à son valet comme si elle n'était qu'un gage, une prime accordée à un serviteur méritant.
Cette offre si "généreuse" de Matamore révèle non seulement sa lâcheté mais aussi son impuissance.
Le fanfaron est dans l'incapacité permanente à se hisser au niveau de son propre discours. Il n'est lui-même que dans la fuite et reste toujours en-deçà et du discours héroïque et du discours amoureux.
Il est impuissant dans son désir comme il est impuissant à se battre.
C'est en cela que Matamore est la parfaite antithèse du Dom Juan de Molière qui n'a de cesse de passer à l'acte en séduisant le plus de femmes possibles comme en prouvant sa valeur au combat.
Cependant, nul n'est dupe des fanfaronnades et on ne paie que de flatteries les actions d'un maître trop faible :

"A ce rare présent, d'aise le coeur me bat.
Protecteur des grands rois, guerrier trop magnanime,
Puisse tout l'univers bruire de votre estime !"
    (vers 956-958)

Qu'il lui dit alors, Clindor, aux anges, évidemment.

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 18 janvier 2007

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