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BLOG LITTERAIRE
1 avril 2007

UN GRAND JAMAIS

UN GRAND JAMAIS
5 petites notes sur la poésie de Tristan Corbière (cf Les Amours jaunes, Poésie/Gallimard)

"- Songe-creux : bien profond il resta dans son rêve ;" (Décourageux, vers 5) : Le rythme ternaire ("Songe-creux / bien profond / il resta / dans son rêve") exprime peut-être bien cette quiétude de la conscience assoupie dans l'illusion.
Notons aussi l'emploi en adverbe de l'adjectif "profond" ; mis ici pour "profondément", il semble imiter quelque gouailleuse oralité, en tout cas à nos oreilles de ce début de XXIème siècle.
Quant au "songe-creux", l'insolente, la poésie de Corbière le dénonce et s'en amuse.

"- Ajoutez une pipe en terre
Dont la spirale fait les cieux..." (Idylle coupée, vers 45-46) : Petite notation plaisante sur le vif des rues de Paris. Voici le ciel fait d'une "spirale", fumée d'une "pipe en terre". Les points de suspension nous laissent au loisir de l'image mentale.
Ah bah, ajoutez-y donc une pipe en terre, au portrait de cette misère : le poète, son livre, sa faim.
Tandis que dans la spirale des cieux, nous y verrons sans doute quelque dieu fluctuant, quelque Marie arabesque, au bout de la ligne, ou, plus tard, dans une toile surréaliste.

"Encloué je suis sans cercueil
On m'a planté le clou dans l'oeil" (Cris d'aveugle, vers 3-4) : Tristan chanteur ("triste enchanteur ?") dans cette  suite sizaine "sur l'air bas-breton Ann hini goz". L'image est expressive, quasi-ironique à représenter ainsi l'aveugle et "son clou dans l'oeil". Epinal méchant, tout propre à justifier l'appellation de "poète punk" que, n'en déplaise à l'université et à son esprit de sérieux, nous assignons au grand Tristan.
A la pipe en terre, il faut ainsi ajouter "le clou dans l'oeil" de cette chanson hallucinée. Flotte-t-il au-dessus des flots, comme un christ d'ironie sur une gravure polychrome, le Corbière ?
Un clou dans l'oeil ? Pour sûr, le centurion était ivre...

"Tu crois que le soleil frit donc pour tout le monde" (Paris diurne, vers 9) : Joli, cette mise en évidence de la forme 3 de l'indicatif présent du verbe "frire" qui, implicitement, rappelle et réfute l'expression "le soleil brille pour tout le monde". D'ailleurs, l'expression ici si pittoresque est à prendre au sens propre comme au sens figuré puisque, au vers 11 :
"Non, le bouillon de chien tombe sur nous du ciel" (il pleut !) nous indique Tristan narrant, - navré ? -, pré-célinien en diable dans sa manière d'imiter les images argotiques.
En tout cas, si vous pensez que le soleil frit pour tout le monde, c'est que, - vrai ! -, vous en avez pris un sacré sur le cabochon, de coup de poêlon !

"Et le mal du pays me ronge...
Du pays que je n'ai pas vu." (Paria, vers 23-24) : Lucidité de la nostalgie. Ce que nous regrettons n'a pas toujours été tel que nous l'imaginons. En ce sens, nous ne sommes vraiment que des "parias", des étrangers à nos propres références, des rongés par les chiens du vent, des errants hantés par un grand jamais, un grand jamais qui finit toujours par nous emporter.

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 1er avril 2007

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Commentaires
A
Ca faisait diablement longtemps !<br /> <br /> Mais je suis toujours là... je sais que vous passez d'temps en temps, je le vois dans les stats !<br /> <br /> Par contre moi j'suis vilaine, j'bouge pas trop ;p !<br /> <br /> En fait, j'ai du mal à me concentrer et donc à passer sur plusieurs blogs, lire et laisser des comments...<br /> <br /> Mais voilà, c'est fait, j'me rattrappe !<br /> <br /> Amitiés
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