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BLOG LITTERAIRE
4 avril 2007

"REVIENS BIEN VITE OU PLUS JAMAIS NE VIENS"

"REVIENS BIEN VITE OU PLUS JAMAIS NE VIENS."
Trois notes sur le temps qui court et la poésie de Louis MacNeice (cf l'anthologie bilingue Une voix, traduction : Clotilde Castagné-Véziès, Orphée, La Différence, 1997).

1) "Time was away and somewhere else,
There were two glasses and two chairs" (Meeting point, vers 1-2)

Le temps était parti, quelque part ailleurs,
Il y avait deux verres et deux chaises"

Le temps... L'on n'y prend part que par concours de circonstances. Le temps est d'une trop haute maîtrise. Nous en sommes les façonnés, les outils nostalgiques.
Avez-vous remarqué ? Sur les photographies, les horloges sont arrêtées; les visages sont arrêtés; suspendus à jamais dans le point virgule de leur existence ; instantanés d'un univers auquel nous n'avons plus accès : ces "deux verres", ces "deux chaises" dont se souvient le narrateur, cette photo de classe qu'un ami, au loin maintenant, vous a envoyée...
Les physiciens ont, paraît-il, dans leurs équations la clé de cet univers.
En attendant, nous avons sur le dos la nostalgie de nos chimères. Qui nous rompt longuement les os. Qui nous alourdit le coeur, pierre friable.
Et nous le passons, ce temps, usant d'ersatz, nous fascinant d'idées, de fictions, d'illusions.

2) "And I would praise our inconceivable stamina
Who work to the clock and calendar and maintain
The equilibrium of nerves and notions,
Our mild bravado in the face of time." (Hidden ice, vers 11-14)

Aussi voudrais-je célébrer notre inconvevable endurance
A travailler selon la pendule et le calendrier, à maintenir
L'équilibre du physique et du mental,
Faible bravade que nous lançons face au temps.

"stamina", "equilibrium", "bravado" : Mots hors du temps en ceci qu'ils sonnent rares dans cette manière de justifier la poétique par la performance linguistique.
Mots-coucous qui arrêtent le lecteur dans sa course pour, qu'encore une fois, il prenne son crayon et commente.
Cette somme de jours est, somme toute, un long commentaire de nous-mêmes.
L'on ne peut faire autrement : commenter sans cesse, bavarder, inventer des raisons, justifier, affirmer, infirmer, confirmer, nous dédire, promettre et nous parjurer.
L'être a en bouche sa propre représentation.
L'être, - l'être humain -, est un animal nostalgique de son propre être.
Il n'est que ce qu'il est et exige d'être tout autre.
Aussi nous payons-nous de tragédies, de ces départs de nous-mêmes que nous appelons "meurtres", "suicides", "autodestructions" : certains d'entre-nous passent leur vie à ne plus revenir à eux-mêmes.
Idée pour un dessin, une gravure : des milliards de gueules ouvertes palpitant à la surface de l'eau, poissons à tête d'homme, l'humanité...
Cependant, cette "inconcevable endurance", cette âpreté au travail, ce carcan volontaire de "la pendule et du calendrier", sont, probablement, notre seul balancier au-dessus du gouffre.

3) "In my childhood trees were green
And there was plenty to be seen.

Come back early or never come." (Autobiography, vers 1-3)

Dans mon enfance, les arbres étaient verts
Et il y avait infiniment à voir.

"Reviens bien vite ou plus jamais ne viens."

Sous la chanson, le fantôme.
Ce que nous désertons, nous le revoyons rarement.
A moins d'y être condamnés.
Des paysages de l'enfance, nous finissons par partir.
Plus loin, nous tentons d'y retrouver un lieu d'être, une demeure, un "infini de choses à voir".
Nous fondons un foyer, - l'homme est un animal fondateur -, où l'esprit du lieu tient toute prête sa chanson aux vivants :

Come back early or never come.
Reviens biens vite ou plus jamais ne viens.

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 4 avril 2007

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