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BLOG LITTERAIRE
16 juin 2007

NEVER DEAD

NEVER DEAD

Dans l'émission de Guillaume Durand (Esprits libres, France 2, 15 juin 2007), ai entendu l'intéressant Marc-Edouard Nabe déclarer que le jazz avait été tué par le rock, devenu musique planétaire aux dépens d'une des expressions les plus authentiques qui soient, celle de la musique improvisée afro-américaine.
Ce que Marc-Edouard Nabe dit de cet assassinat me semble annoncer itou que le rock, le très médiatique rock, est, lui aussi et chacun son tour, en passe de connaître le même sort que le jazz et je crains qu'il ne finisse, le grand tonitruant, bientôt à la marge.
J'entends, par rock n' roll, une musique urbaine, oscillant entre l'énergie brute (Iggy Pop et les Stooges, le Crazy Horse de Neil Young par exemple (1) ) et la sophistication (le Rock Progressif, - de Pink Floyd à Archive -, le jazz-rock, etc...). Nous ne traiterons pas ici des chansonnettes pop que, très abusivement, les programmateurs tentent de nous fourguer entre un classique des Stones et une ballade de Dylan.
Rappelons-nous des années 70. Le jazz y acquiert enfin ses lettres de noblesse : les festivals se multiplient ; les grands noms font tournée sur tournée (Dizzie Gillespie, Stan Getz, Chet Baker,...). On écrit alors beaucoup sur l'histoire du jazz et Jacques Chancel (caution culturelle de la télé de l'époque) ne craint pas de placer sur le même grand échiquier virtuoses de la musique classique et stars de l'improvisation.
Si le jazz devient alors un signe de distinction culturelle, le rock des seventies fut sans doute le fer de lance de l'industrie du disque de l'époque : les Stones, les Pink Floyd, Genesis, Led Zeppelin, Deep Purple, David Bowie et tant d'autres vendent alors des millions d'albums et multiplient les tournées mondiales. Le rock rapporte de l'argent, beaucoup d'argent, beaucoup plus que le jazz et le blues, certes oui, mais il est considéré comme une musique pour jeunes gens incultes, sinon aliénés par une société de consommation qu'il est de très bon ton alors, si on veut avoir l'air intello, de dénoncer.
Trente ans plus tard, les signes de la consécration du rock comme élément essentiel de l'évolution des mentalités et de l'histoire de la musique populaire ne manquent pas : des émissions sur France Culture, sur France Musique, mais aussi des hommages rendus aux survivants, des biographies de plus en plus pointues, des concerts événements (les Who, Deep Purple,...), Patti Smith enregistrant un album de reprises (Twelve, 2007) comme s'il fallait maintenant se pencher sur le répertoire accumulé depuis près de cinquante ans (d'Elvis Presley à... comme c'est curieux, me voilà bien en peine de citer le nom d'un jeune artiste capable de reprendre le flambeau de Morrison, de Hendrix, de Zappa, de Patti Smith ou des Stones, lesquels poursuivent leur route comme si les Rolling Stones étaient au-delà des Stones eux-mêmes, devenant les symboles vivants d'une légende qui ne peut que se perpétuer jusqu'à sa transmission aux générations futures) (2) (3)
A cet égard, la démarche du chanteur de variétés Paul Anka (cf l'album Rock Swings, 2005) est éclairante : une adaptation pour Big Band de quelques standards du pop/rock, dont le fameux "It smells like Teen Spirit" de Nirvana (3) (l'un des derniers et éphémères avatars de cette beauté convulsive des Garage Bands qui firent l'histoire de la déjanterie rock n' rollesque). Il semble ainsi que l'on se soit décidé à apprivoiser la bête, à l'intégrer au show permanent des medias.
La victoire récente du dénommé "Julien" à l'émission "Nouvelle Star" (M6) va dans le même sens : il étonne dans ses interprétations de "Fever", de "You really got me" (des Kinks), allant jusqu'à chanter jazzy des rengaines de filles ("Like a Virgin" de Madonna, et autres lolitâneries). Bref, c'est-y que le rock et son ironie auraient maintenant réellement droit de cité sur les ondes ?
Pas si sûr ! Certes, tous ces éléments semblent rendre à César ce qui est à César et au King ce qui est au King, mais, comme je l'ai fait remarquer tout à l'heure, on est bien en peine de désigner les successeurs des grands maîtres du genre tandis que l'on nous saoule de rap, de hip-hop, de variétoche à jolie frimousse, de samples et de biduleries électroniques (qui vont jusqu'à infester le jazz, figurez-vous !) et je vous fiche mon billet que, même si le rock, après avoir été extrêmement rentable dans les années 60 et 70, connaît aujourd'hui son heure de gloire, c'est qu'il est en passe, - à mon avis, c'est déjà fait -, d'être supplanté par une musique de variété internationale par ailleurs elle aussi de plus en plus sophistiquée. (4)

Notes :
(1) cf le très intéressant documentaire de Jim Jarmusch (The Year of the Horse, USA, 1997) consacré à Neil Young et aux musiciens du groupe Crazy Horse.
(2)
Il est vrai aussi que les Rolling Stones sont à la base d'une entreprise qui fait vivre beaucoup de monde. On peut savoir gré aux Stones de continuer à faire travailler autant de gens.
(3) J'exagère : il y a tout de même les Red Hot Chili Peppers.
(4) Je m'épate moi-même du sérieux avec lequel on traite souvent cette question du rock. Comme si c'était vraiment important alors qu'il ne s'agit, après tout, que de spectacle, de divertissement, de commerce. C'est qu'à vrai dire nous sommes bien souvent trop paresseux pour nous intéresser à ce qui vaut vraiment le coup (la médecine, la physique, la biologie et, plus généralement les sciences exactes) et, incorrigibles fumistes, passons beaucoup de temps à ergoter, pérorer et discourir sans fin sur les futilités spectaculaires (cinéma, théâtre, littérature, bande dessinée, et cette grande escroquerie de l'Art contemporain qui réjouit le gogo et enrichit le spéculateur plus ou moins "éclairé", "initié", "sponsor", "mécène" ou simple investisseur).

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 16 juin 2007

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Commentaires
A
Il est vrai que le site du philosophe Patrice Deramaix que j'ai découvert hier dans vos liens renforce la note (4) de votre argumentation. L'auteur semble avoir cessé d'écrire en 2003 ??<br /> Amitiés et merci pour cette bien belle découverte!
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