FESTIVAL DE SOTTISES
FESTIVAL DE SOTTISES
Aujourd'hui, c'est le 21 juin, jour de la Fête de la Musique. Je n'ai rien contre. Je n'ai rien pour. A vrai dire, je m'en fous. Et je ne peux m'empêcher de me demander si tous les groupes professionnels et semi-professionnels invités par les communes à se produire çà et là seront bien payés en temps et en heure...
Mais là n'est pas mon propos. Ce matin, sur France Inter, festival de quelques sottises à propos de la nécessité de l'éducation musicale.
Ainsi, certains intervenants proposent que l'enseignement musical et plus généralement artistique, au lieu d'être facultatif au baccalauréat, devienne "obligatoire", via "un système d'options" précisent-ils pour se donner l'air autorisé à donner leur avis.
1) Si cet enseignement "artistique" est optionnel, il ne serait être obligatoire. C'est qu'il l'est déjà, optionnel, - et donc facultatif -. Rendez-le obligatoire et vous en ferez une matière comme les autres, avec ses bons et ses mauvais élèves, et surtout un prix à payer en termes de recrutement de professeurs, d'investissements en matériel, etc... En outre, quid de l'élève qui n'aime pas la musique car, après tout, il n'est pas nécessaire d'aimer la musique pour faire quelque chose de sa vie, non ?
2) Que l'on crée, dans les Lycées Professionnels comme dans les Lycées Généraux, des sections professionnalisantes de préparation aux métiers dits "artistiques", je suis pour à 100%. Ces sections manquent cruellement à l'ensemble de nos formations initiales et les élèves doivent attendre trop longtemps (la plupart des formations sérieuses sont post-baccalauréat) avant de pouvoir suivre un enseignement répondant à leurs aspirations. Mais que l'on rende obligatoire cet enseignement artistique à tous, - y compris dans les Lycées professionnels, disent les bonnes âmes -, et l'on fera perdre encore plus de temps aux élèves des LP qui, d'ailleurs, lassés de tant de généralisme et de pédagogisme au sein des Lycées traditionnels, votent en masse avec leurs pieds en quittant les LP pour les CFA (Centres de Formation des Apprentis).
3) Tarte à la crème : "La musique adoucit les moeurs" (comme vous le diront tous les militaires et les "gangsta rap" (1)) et contribue à améliorer les résultats des élèves dans l'ensemble des matières. Ah ouais ? Je demande à voir car en matière d'évolution positive des résultats, les pédagogistes en ont fait des miracles ! Et il est absolument prodigieux de voir combien d'étudiants à Bac + 3,4,5 finissent manutentionnaires ou caissières ou vendeurs de petites voitures de collection made in China dans des centres d'appel.
4) Evidemment, toutes ces bonnes âmes à oreille absolue prônent un décloisonnement des enseignements ! Méfiance, de là à supprimer le Ministère de la Culture pour en subordonner les instances au Ministère de l'Education Nationale, il n'y aurait dès lors qu'un pas ! La politique culturelle de notre pays serait ainsi asujettie à des impératifs éducatifs qui risqueraient fort de l'entraîner là où elle n'a que faire ("éducation à la citoyenneté", "morale publique" et autres considérations sociales).
On voit, par ces quelques remarques, que le danger est grand de voir, pour les meilleures raisons du monde (accés le plus démocratique possible à la musique classique et à une éducation musicale digne de ce nom), l'éducation nationale se lancer dans une nouvelle aventure aussi coûteuse qu'inutile et faire, une foi de plus, des grandes oeuvres du patrimoine de simples et vulgaires outils au service d'une politique d'aseptisation des idées et des manières d'être.
C'est que tous ces grands généreux de l'argent des contribuables oublient, ou feignent d'oublier, comme d'habitude, que la fonction de l'école n'est pas d'élever le niveau général (foutaises ! et d'ailleurs pour quoi faire ?) mais de préparer chacun, et selon ses dispositions et capacités, à exercer un métier. Que l'on intégre les professions artistiques aux formations dispensées dans nos lycées (musicien, comédien, plasticien, etc...), je ne demande pas mieux ! Mais, par pitié, sans angélisme mais avec lucidité sur les débouchés réels, sans niaise morale mais avec sérieux et subtilité. La société, cette communauté de gens si divers qu'il est toujours miraculeux qu'ils ne s'entretuent pas plus qu'ils ne le font ordinairement, ne s'en portera que mieux !
Notes :
(1) Si les clans écossais tiennent tant à leur cornemuse, c'est que, dans des temps fort anciens, cet instrument eut son utilité dans les batailles à mener. L'ennemi s'approchant (de très ignares saxons sans doute... (2)) et ne voyant que dalle, - because le fog et le mist -, entendait cependant hennir au-delà des brouillards septentrionaux, hennir à n'en plus finir de fort monstrueux animaux, c'étaient les cornemuses. Il arriva que, pris de panique à ces cris terribles, l'ennemi batte en retraite sans demander son reste...
Je me demande d'ailleurs si les dragons des drakkars vikings n'exercaient pas la même fonction de dissuasion. Comme quoi, l'art et la stratégie peuvent faire bon ménage...
D'ailleurs, les Pictes ont perpétué cette tradition : outre la persistance de la tenace cornemuse et des jambes velues sous les kilts, ils ont inventé les monstres dans leurs lacs, les fantômes dans leurs châteaux, - plus efficace encore : une cuisine d'un autre monde ainsi que l'usage d'une phonétique improbable ! -, et toutes ces merveilles pour repousser, bien sûr, l'envahisseur continental !
(2) Les Saxons et autres Germains furent très ignares en effet. Plus civilisés, ils n'auraient pas détruit Rome mais, à l'instar des Gallo-Romains, s'en seraient fait un allié ainsi qu'un partenaire commercial. On parlerait ainsi aujourd'hui encore italien dans toute l'Europe.
Patrice Houzeau
Hondeghem, le 21 juin 2007