DEJETE
DEJETE
"J'étais déjeté, flapi, à zéro, et sans un. J'errais dans les rues à longueur de journée, vêtu de mon seul et unique costard, un vieux smoking troué aux fesses - et j'avais les cheveux si longs que Louis Armstrong faillit un jour me prendre pour un professeur de violon." (Milton "Mezz" Mezzrow et Bernard Wolfe, La Rage de vivre, traduit par Marcel Duhamel et Madeleine Gautier, Le Livre de Poche, p.245).
En voici de l'écrit, de la mimesis énergique, du jazz dans la phrase ! Avec cet humour de vache enragée, ici ces "cheveux si longs" à confondre le jazzman narrateur avec un immigrant d'Europe centrale peut-être, un famélique professeur de violon paumé dans la grande ville aux âmes perdues un peu et en plein début de l'Histoire du XXème siècle.
A trouver donc cette "Rage de vivre" (titre original : Really the Blues, 1946) chez les revendeurs de chefs d'oeuvre pas à la mode des livres même pas mal écrits, des livres pas écrits du tout que vous vendent magazines et supermarchés.
Allez zou ! ça nous vaut un p'tit contrevers :
DEJETE
"déjeté, flapi, à zéro, et sans un." (Milton "Mezz" Mezzrow", Bernard Wolfe)
Déjeté, affligé, éjecté du réel,
Flapi, foudroyé lent dans la sauce des villes,
A rien rendu, ver loquedu, floué perdu,
Zéro, le carafon à vide et nerfs à plat,
Et un spectre à clarinette dans les oreilles,
Sans harmonie, grinçant, hurlurant mal graissé,
Un errant des rues en smoking troué aux fesses.
Post-scriptum : On me signale, - voir les commentaires ci-dessous -, qu'un "spectre mal graissé" ne saurait se concevoir. On a raison ! Et j'exige que le gouvernement prenne dès lundi toute mesure nécessaire à empêcher les "spectres mal graissés" de toute apparition prosodique ! Non mais...
C'est ce qu'on aurait dû faire aussi avec les "serpents rampants" qu'on trouve parfois dans certains vers du XIXème siècle et aussi avec les "sombreros sur la mer" ("sombres héros" ?) de la fameuse chanson Lost in the sea de "Noir Désir" (je ne saurais d'ailleurs pas vous citer le texte exact qui m'a toujours semblé, à chaque fois qu'il me tombait dans les oreilles, particuliérement pompeux et gratiné dans le genre grotesque).
Patrice Houzeau
Hondeghem, le 17 août 2007