MAIN FRAÎCHE
MAIN FRAÎCHE
"la main fraîche (1) frissonne dans le sang"(2) (4)
(Gaston Criel, Les portes de la nuit in La fausse quête, éd. Jacques Brémond, p.62)
(1) Des mains fraîches, le vent en est plein. En automne, il y a même recrudescence. On en trouve, du coup, des tas, coupées les mains, comme dans un poème d'Apollinaire. Elles se glissent, les mains fraîches, entre les arbres et assaillent le passant. Quand c'est une tête à claques (un petit chef, un grand théologien de l'éducation, un marchand d'armes - un gergorin ou un forgeard quelconque -), ça tombe bien, la main fraîche qui gifle le bipède à cerveau retors. On chante alors Vive le vent vive le vent d'hiver et on va souhaiter la bonne année à sa grand-mère, pour avoir un billet, pardi !
(2) Le sang, plein partout dans le monde. Fait des taches. On nettoie un peu par-ci par-là, mais toujours de nouvelles taches apparaissent. Il y en a même qu'on ne voit pas, dans des contrées dont on ne parle guère à vingt heures à la télévision.
A part ça, quand j'étais môme, je me souviens que l'on disait que c'est ce que l'on donnait aux anémiés, du sang de boeuf. On disait que la fille du libraire, elle en souffrait d'anémie et que le médecin lui avait conseillé d'en boire, du sang de boeuf. C'est ce qu'on disait. Si c'était vrai, ça, j'en sais fichtre rien.
De même pour le sang de boeuf que des producteurs de picrate mettraient dans les litrons. C'est vrai ? C'est-y-pas vrai ? Allez savoir ! Faudrait demander à Orlando de Rudder qui en connaît un rayon sur la façon dont elle se nourrit, l'humanité.
Vous allez me dire, - quel est le rapport avec la citation du vers de Gaston Criel que vous fîtes ci-dessus, cher maître ? (3) - Aucun. C'est que j'y crois pas trop moi, à la métaphysique des vers. "L'Alchimie du verbe"? J'y crois pas plus. Un truc que le Rimbaud a dû inventer pour faire joli, en se paluchant ou en sirotant de la Porter ; il a dû se dire, voilà qui va plaire aux gogos de la poésie pleine d'âme, aux amateurs d'arrière-monde et tout-ci-tout-ça. Le plus drôle, c'est qu'à titre posthume, il a fait un tabac, l'Arthur avec son Alchimie de pattes de mouches, des kilos qu'ils en ont pondu, les universitaires de tout poil pour expliquer, commenter, ratiociner, disséquer ce qu'il a bien voulu dire, le créateur de rythmes pas croyables...
(3) Si je ne me donne pas moi-même ce titre, personne ne le fera, alors autant en profiter avant qu'ce soye fini et qu'on dise : "Ah il a cassé sa pipe l'autre débile de la plume".
(4) Il y en a aussi qui ont des mangues tout aussi fraîches au niveau des seins, mais ça fait pas le même effet. (5)
Quant à Gaston Criel, un vrai grand poète mineur, celui-là. Pas assez de recul qu'il prenait parfois avec ses vers, je pense ! Trop avec ses tripes ! Mais justement, c'est ça qui me plaît. Ah ce ne fut pas un pensionné de la chose poétique, Gaston Criel, pas un grand réformateur des formes, pas un discoureur de transcendances ; juste un homme qu'il fut, humain trop, sans doute, mais avec des vers qui me plaisent bien souvent, dans ce genre-là, par exemple :
"Pleurez, pleurez, pauvres enfants sans père
le cheval sur l'escalier
l'escalier de votre misère
qu'il faudra bien que vous avaliez."
(Gaston Criel, Le cheval in La fausse quête, éd. Jacques Brémond, p.39)
(5) "- Mais vous écrivez vraiment n'importe quoi, vous !"
"- Oui-ih-ih ! C'est ma façon à moi d'enquiquiner la Poésie bien installée dans sa bonne conscience, et vomi soit qui mal y pense !"
Patrice Houzeau
Hondeghem, le 8 octobre 2007