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BLOG LITTERAIRE
13 octobre 2007

FLE CEKOISSA ?

FLE CEKOISSA ?

Cette histoire se passe au tout début des années 2000 dans un Collège de Lille.
Fuyant les massacres perpétrés par les intégristes musulmans, un jeune Algérien de quatorze ans arrive en France avec sa famille. Scolarisé à Lille, et ne parlant pas le français, il se retrouve dans une sorte de classe spéciale (genre 6ème d'adaptation, ou d'intégration, ou n'importe quel nom que l'inventive administration trouve pour masquer les réalités).
En tant que non-francophone, il aurait dû, je crois - mais je suis naïf -, bénéficier d'un soutien particulier de manière à l'apprendre, cette langue qui lui permettrait de suivre une scolarité normale. Il aurait dû, je crois - mais je suis naïf - bénéficier de l'enseignement de, je ne sais pas moi, un (ou même deux, soyons larges !) professeur(s) spécialisés dans l'enseignement du Français Langue Etrangère (FLE, l'une des gloires de nos universités.)
Eh bien, figurez-vous, qu'en plus, le gamin, il voulait l'apprendre, le français, et dès que l'administration du Collège se décida à mettre quelque chose en place, il se porta volontaire pour suivre des cours dans le cadre des opérations "Collège Ouvert" (des heures de cours plus ou  moins occupationnelles sont données à des élèves volontaires en dehors des jours de travail obligatoires).
Pensez-vous qu'à Lille, ville universitaire par excellence, ville rectorale, académique, avec des formateurs en tous genres plein les boulevards et un taux de bonnes âmes si important que la gauche y a encore pignon sur rue, on allait pousser l'audace jusqu'à demander à un formateur en FLE de l'Université de Lille III ou même à un étudiant de ladite filière de bien vouloir prendre le métro de Villeneuve d'Ascq (fief de ladite Lille III) jusqu'à Lille pour accorder quelques heures par semaine de son précieux temps à quelqu'un qui en avait vraiment besoin ?

Eh bien, si vous croyez celle là, le Recteur peut vous en raconter bien d'autres !
C'est à des emplois-jeunes que l'on demanda de s'acquitter de cette tâche ! Vous me direz "Et s'ils avaient les diplômes requis ?" Eh bien non, justement. On demanda à ces deux personnes de bien vouloir alphabétiser un non-francophone alors que leurs formations respectives n'avaient qu'un très vague rapport avec l'enseignement du français à des élèves étrangers (filmologie pour l'une, espagnol pour l'autre).
Que l'on n'ait pas jugé bon, dans les hautes sphères de l'administration académique, de mettre en place un Bloc de Moyens Provisoires (BMP)  afin de pourvoir à des heures d'enseignement pour le moins plus qu'utiles est une chose. Mais que ces deux emplois-jeunes n'aient absolument pas bénéficié de l'aide des professeurs titulaires du Collège en question en est une autre ! Et autrement plus choquante de la part de gens qui, pour certains, connaissent leur petit Meirieu par coeur et dont d'autres ne cessaient d'intriguer pour se faire bien voir qui de l'Inspecteur, qui de l'IUFM (Institut Universitaire de Formation des Malappris). Ah les bonnes âmes ! Ah les braves gens ! D'autant plus choquant que le principal de ce Collège faisait de la politique, - à gauche, évidemment (à Lille, pensez donc !) (1) . Il a même été palmé académiquement, le principal, et même Conseiller Général du Nord ! Les emplois-jeunes en question s'en souviennent de ce jour de gloire des Palmes. Elles avaient bien reçu une invitation, mais pas pour aller fêter l'événement en question, ce que naïvement elles avaient d'abord cru, mais pour être de service (barmaids d'occasion), le principal en question n'ayant pas jugé bon d'embaucher quelques extras pour faire le travail mais d'employer gratis les aide-éducateurs de son établissement pour servir le champagne aux invités titulaires et autres légumes (qui se croient grosses parce qu'on leur dit mais qui ne sont rien du tout ! du vent, de l'administratif, de la chair à paperasse. (2))
Résultat de l'opération alphabéta : Les deux jeunes filles firent ce qu'elles purent. L'enfant était pourtant en demande. Ce fut, en fin de compte, un échec et l'élève devint assez rapidement infect dans certains cours...

Pourquoi nous racontez-vous cette vieille histoire, Monsieur Houzeau, alors que les Chinois sont à nos portes et que les syndicats sont en train (c'est le cas de le dire) de préparer des grèves qui s'annoncent longues et dures (3) (4) ?
Eh bien, parce que rien n'a changé, figurez-vous. Il y a dans les Collèges et Lycées Professionnels de plus en plus d'élèves non-francophones (ou si peu francophones qu'il n'y a que l'administration pour croire qu'ils sont en mesure de suivre des cours en les comprenant réellement) et rien, à ma connaissance, n'est mis en place : on continue à attendre que des volontaires se fassent entendre (dont votre serviteur qui juge que dépenser de l'argent pour des projets à alibi plus ou moins culturel devrait passer après l'alphabétisation des élèves étrangers) tandis que l'on disserte à n'en plus finir sur l'avenir des Universités et sur leur utilité. Eh bien, que l'on mette les filières Français Langue Etrangère en situation de prouver leur efficacité sur le terrain, et on discutera après !

Notes :
(1) Il avait donc, je suppose, le bras un peu plus long que la moyenne de nous autres, quand même !
(2) Il est vrai que certains excellent dans la rédaction des rapports administratifs. Un professeur quitte sa salle de cours alors qu'y traîne une maheureuse cartouche d'encre balancée par un de ses apprenants habituels sur la tête d'un de ses condisciples pour lui rappeler que c'est en 1632 que Henri de Montmorency fut exécuté et non en 1637, qui est, - tu sais pas ça, toi !-, la date de la publication du Cid de Corneille - Wah ! le bouffon ! - et zou, Prosper-yop-la-boum !, n'écoutant que son stylo plume et son tampon encreur, voilà le proviseur qui  rédige un rapport à l'attention de Monsieur l'Inspecteur d'Académie, qui, comme chacun sait, n'a que ça à faire. Vous n'oubliez pas, - en tant que Chef d'Etablissement, vous pensez à tout -, de faire corriger vos éventuelles fautes d'orthographe par votre adjoint ou votre secrétaire, et par la suite, récoltant ce que vous avez semé, vous vous faites appeler Corne d'Aurochs sur le blog de Patrice Houzeau.
(3) Ah ça, c'est sûr qu'à mon avis, il y en a certains qui risquent de les sentir passer.
(4) Mais si ça se trouve, je me trompe (d'éléphant), et au moment même où j'écris ces lignes, un dispositif est fin prêt pour permettre aux élèves étrangers non-francophones de suivre, au sein même de leur Collège ou de leur LP, des cours dispensés par des personnes compétentes dans ce type d'enseignement. Je sais aussi que certains chefs d'établissement ont depuis longtemps attiré l'attention des services du Rectorat sur cette situation et ne souhaitent pas mieux, qu'en effet, ces élèves bénéficient d'un suivi spécifique. Qu'ils en soient remerciés !

Patrice Houzeau
13 octobre 2007

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