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BLOG LITTERAIRE
17 novembre 2007

"ENTENDRE LE VIDE"

ENTENDRE LE VIDE

«Le seigle crisse sous ses reins. Jeune seigle du début d’été. Les yeux rivés à la fenêtre éclairée, une femme entend le vide – se nourrir, dévorer ce spectacle inexistant, invisible, la lumière d’une chambre où d’autres sont.» (Marguerite Duras, Le ravissement de Lol V. Stein, folio, p.63)

Dans le sifflement des providences du «s», «le seigle crisse sous ses reins».
C’est que la Lol, elle s’est couchée dedans, pleine d’une « faiblesse merveilleuse » dit le texte.
Elle s’est couchée dans le «jeune seigle du début d’été».
C’est d’l’éros, cette histoire aussi, du désir à tourmentes, de la douleur d’aimer et autres ressassements de l’âme, du cœur, du corps.
Du coup, elle l’a, Lol, la mirette rivée, vers la lumière de la chambre qu’elle voyure, la Lol, qu’elle espionne, qu’elle y «entend le vide se nourrir, dévorer ce spectacle (1)», le vide comme un monstre sans contours, un «autre dieu» à la Lovecraft, mais plus clinique aussi, plus divan de psychanalyste, moins arrière-monde (2) gothique, glauque, gluant que tiens il y a quelque chose là à creuser, cette béance qui bouffe ce que l’on ne voit pas, qui désosse le réel, qui charcute à vif l’invisible, l’indifférente, la fascinante «lumière d’une chambre où d’autres sont.»

(1) « Spectacle » qui ne peut être qu’inexistant tant que Lol ne voit rien d’autre que la lumière de la chambre, rideau dans lequel les ombres vont tout à l’heure jouer leur rôle, sans savoir d’ailleurs qu’elles ont un public.
(2) Achetant des livres, nous achetons des arrière-mondes. Nous achetons des évocations, des mondes idéaux, c’est-à-dire des collections de signes porte-spectres. Nous achetons la blancheur des tragédies, la noirceur des âmes, le soleil des étrangers ; nous achetons des féeries terribles, d’intimes opéras, des toilettes inutiles ; nous achetons des vérités cachées, des secrets de polichinelle, des fenêtres éclairées qui donnent sur des chambres où d’autres sont, sans nous, idéaux, immuables, invisibles.

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 17 novembre 2007

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