"IMMORTEL MEPRIS"

"IMMORTEL MEPRIS"

"Je ne voyais point les fruits,
  Je n'entendais plus les guêpes
  Et le Rhône en vain chantait
  L'immortel mépris de nous."
  (Georges Duhamel, Elégies, XV, in Pierre Seghers, Le livre d'or de la poésie française, Marabout Université, p.340)

Faire cet aveu d'être maintenant aveugle aux fruits, sourd aux guêpes et ressentir cet "immortel mépris" que constitue la Nature, c'est en quelques vers exprimer le grand désarroi des hommes.
Devant "Toutes les années futures / Abreuvées de mille hontes" ajoute le poète.
Il est vrai qu'il fut très convaincant, le XXème siècle, en matière de honte.
Le XXIème, espérons-le, ne lui arrivera sans doute pas à la cheville.

Ou alors, c'est que nous avons décidément pris l'habitude de vivre dans un immense "A quoi bon" qui ne peut faire de nous que les merveilleux et ordinaires sujets des tyrannies à venir.

Pour ce qui est de la Nature, ce n'est pas tant qu'elle nous méprise.
L'expression de Georges Duhamel est sans doute par trop littéraire, - ne soyons pas trop sévères, mon cher Houzeau, nous ne faisons guère mieux, bavards que nous sommes -, mais elle a le mérite de souligner l'indifférence ontologique qui caractérise ce qui n'est pas humain.
Ce n'est pas tant qu'elle nous méprise, la Nature, c'est qu'elle continue, qu'elle persiste et nous bouffe l'absolu sur le dos, la vorace.

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 27 décembre 2007

Comments

[Alice M]

Oh ! le titre "indifférence" ne vous visait nullement ! c'était un commentaire, ou un prolongement à vos commentaires, sur les vers de Duhamel.
Moi aussi je vous salue bien,

Alice M

[patrice houzeau]

Madame, (ou Mademoiselle),

je vous remercie de la bonté que vous avez de consulter ce blog et d'y laisser les commentaires aimables qui m'ont fait grand plaisir.
En fait, ma confusion est grande du temps que vous prenez à me lire et vous avoue que, par paresse ou distraction, il m'arrive assez peu souvent de remercier mes commentateurs.
En vous priant de bien vouloir excuser l'insolence de certains de mes articles et la méchanceté de certains autres, je me permets de vous saluer, en ces temps discourtois où on ne salue plus guère que par respect de la hiérarchie, humblement et amicalement.

Votre dévoué
Patrice Houzeau

[Alice M]

Les dix premières minutes du seul film de Perec "l'homme qui dort" :
http://www.dailymotion.com/video/x3svpv_georges-perec-un-homme-qui-dort_shortfilms