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BLOG LITTERAIRE
31 décembre 2007

PIERRE, TU ES PIERRE

PIERRE, TU ES PIERRE

Être au monde, c'est sans doute se situer dans le questionnement du monde - et de son image dans le miroir du rêve, image qui, d'ailleurs, peut s'apparenter au vraisemblable :

"Quel est cet homme vêtu de bleus d'ouvrier"

demande ainsi le narrateur du poème L'ouvrier et la mort de Paul Vincensini (in Poésie 1 Présence du merveilleux, n°108-109, juillet-août 1983, p.86),

"Quel est cet homme vêtu de bleus d'ouvrier
  Qui avance vers une maison blanche
"

la maison blanche étant à la fois probable, - il existe des maisons blanches -, et idéelle, - le blanc appelant toutes les visions possibles cependant que cette blancheur idéelle la signale comme vierge de tout folklore, de toute influence, de toute manière d'être spécifique.

A cette question, le narrateur répond dans les deux vers suivants :

"Mon Dieu c'est moi
  Ce n'était pas un ouvrier.
"

L'imparfait dissipant la méprise et le présent de narration inscrivant le texte dans une sorte de prise à témoin de Dieu - une prière si l'on estime que la prière consiste avant tout à prendre Dieu à témoin de la vanité et de la misère des hommes.
D'ailleurs, cette adresse, - le mot "apostrophe" me semblant trop fort lorsque l'on s'adresse à Dieu -, rythme le poème comme s'il s'agissait en effet d'une prière :
- "La maison blanche mon Dieu n'est pas terminée"
- "Mon Dieu c'est qu'il est mort"
- "Mais on ne peut pas mon Dieu brûler les miroirs"

Donc, cette maison blanche "n'est pas terminée" et suscite ainsi non l'image idéelle de la maison bâtie, du lieu accompli, mais l'image de la construction, du projet. Est-ce pour cela que le narrateur montre l'homme en "ouvrier", en maçon qui "a posé sa veste dans l'entrée" de cette maison inachevée, de cette maison en projet, ou plutôt en chantier ?

On aura compris que le poème de Paul Vincensini relève de la matière des rêves et poursuit sa propre logique :

"Puisqu'il n'est pas ouvrier
  Et qu'il a posé sa veste dans une maison incomplète
  Mon Dieu c'est qu'il est mort.
"

Ainsi se trouvent justifiés le titre (L'ouvrier et la mort) et ce questionnement persistant dont le poème se fait l'écho, le porte-voix, l'ironie du songe qui, tout au long de tant de nuits, multiplie les pièces du puzzle de ce monde-chantier hanté par les hommes, par leur capacité d'étonnement :

"Peut-on s'étonner alors
  Que tous les murs de la maison soient des miroirs
  Qu'il les ait tous brûlés.
"

Nous vivons des ingénieries improbables.
Des chevaleries impossibles.
La croix a disparu de nos pains.
Mort, de tous nos vaisseaux, de tous nos miroirs, ne reste-t-il que cendre ?
Les douze dernières syllabes du poème de Paul Vincensini répondent par la négative, gardiennes ainsi de cette flamme au coeur des hommes, de cette foi en leurs projets, de cette volonté d'être au chantier, celui des chevaleries impossibles, des ingénieries improbables, du pain donné aux lépreux :

"Mais on ne peut pas mon Dieu brûler les miroirs."

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 31 décembre 2007

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