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BLOG LITTERAIRE
4 janvier 2008

DU FOND DES EAUX

DU FOND DES EAUX

« La mort en tablier qui rentre ses moissons,
   repliant les messieurs, les dames, les oiseaux,
   la mort n’écoute pas nos discours de poissons,
   les mots que nous disons restent au fond des eaux. »
   (Claude Roy, A regret, vers 1-4, cité in Pierre Seghers, Le livre d’or de la poésie française contemporaine de H à Z, Marabout Université p.249)

Qui donc « rentre ses moissons » ? « La mort en tablier » nous dit Claude Roy, la mort qui fait son travail de mort, sans doute, puisqu’en ce bas monde, il faut bien que chacun accomplisse sa part, et le travail de la mort est immense et ne s’épuise jamais.
Du coup, la voilà, la mort du poème de Claude Roy qui « replie », comme on replie les toiles d’un décor de théâtre, « les messieurs, les dames, les oiseaux », tout ce qui fait que ce monde est vivant, tout ce qui constitue le pain sur la planche de la mort au travail qui n’a pas que ça à faire, d’écouter « nos discours de poissons » et c’est vrai que la mort n’a pas d’oreilles ; nous ne lui offrons donc jamais que le spectacle de bipèdes agitant en vain la bouche.
La mort actuellement ne porte plus de tablier. Elle est en costume de grand communiquant, de commercial international, de consultant ; la mort est à la mode, et elle est mondiale, la mort qui prospère, qui spécule, qui joue en bourse la résistance des vivants à accepter de travailler toujours plus pour qu’elle puisse encore, la mort, pour qu’elle puisse toujours porter beau.
Du coup, évidemment, on a bien l’impression que « les mots que nous disons restent au fond des eaux », comme les épées oubliées d’une chevalerie fantôme. « Au fond des eaux », engloutis, mais tout de même, ils sont toujours là, les mots, et, à mon avis, la mort n’a qu’à bien se tenir, car, je vous en fiche mon billet qu’ils ne vont pas tarder à refaire surface, les mots… Et il faudra bien qu'elle les écoute, alors, les mots, la sans-oreilles, faudra bien qu'elle se mette à la portée des vivants, qu'elle s'en couse, des feuilles de chou sur sa tête de mort, sinon, elle risque de pas tout comprendre, l'agitée du marché.

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 4 janvier 2008

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