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BLOG LITTERAIRE
6 février 2008

"U, CYCLES"

"U, CYCLES"

"U, cycles, vibrements divins des mers virides"
  (Arthur Rimbaud, Voyelles, vers 9)

En quoi les "vibrements des mers" sont-ils "divins" ?
Et qu'est-ce donc que ces "vibrements" ?
Et pourquoi cette épithète de "virides" qui ne fait que souligner ce que nous nous représentons mentalement, la couleur verte de l'eau ?

Il semble que Rimbaud s'attaque ici à la nature même du vers qui, via l'allitération "v", via l'assonance "i", se fait musique.
Il fait ainsi "vibrer" la mer, l'animant en quelque sorte d'une vibration qui, à moi, lecteur du début du XXIème siècle, peut rappeler les paysages striés de Van Gogh, ou les zébrures orchestrales du Sacre du Printemps de Stravinsky.
Mais on peut légitimement se demander ce qu'il y a de "divin" dans cette utilisation des sons de la langue.
"U, cycles" : c'est ainsi que commence le vers, par l'énoncé d'un théme que l'image mentale d'une mer vibrante et verdâtre semble illustrer.
Par-delà le sens donc, par le jeu des sonorités, - ce souffle du "v" qui anime les "mers" comme si elles étaient parcourues par le souffle d'un dieu -, par la proposition d'une image "inouïe" (1), Rimbaud travaille l'être même du vers qui n'est plus, dès lors, l'expression d'un quelconque sentiment, de je ne sais quel état d'âme (dont d'ailleurs, ayant d'autres chats à fouetter, nous n'avons que faire), mais un médium, un support de ce "donner à voir" qui sera l'une des bases du surréalisme.

(1) cf aussi les vers 37 à 40 du Bateau ivre :

"J'ai rêvé la nuit verte aux neiges éblouies,
  Baiser montant aux yeux des mers avec lenteurs,
  La circulation des sèves inouïes,
  Et l'éveil jaune et bleu des phosphores chanteurs !"

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 6 février 2008

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