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BLOG LITTERAIRE
8 février 2008

VIVRE AVEC LA BÊTE

VIVRE AVEC LA BÊTE
Notes sur le texte « Vivre » de Désirée Thomé.

« Il y a quinze ans, son corps l’a trahi. »
C’est ainsi que commence le très beau texte que, » sous le titre « Vivre », à la date du 7 février 2008, publie Désirée Thomé sur son blog « Aubes vives » .
http://aubesvives.canalblog.com/


Dès la troisième ligne, nous voilà en présence d’une véritable littérature, je veux dire d’un véritable texte d’auteur : « Il aimait courir sur les routes de campagne aux franges fraîches de l’aube. Il ne vivait pas seulement : il se sentait vivant. »
Mais le plus intéressant vient ensuite :

« Pendant longtemps, il n’en a rien su. Il parlait et agitait la bête, mais il ne le savait pas. Il embrassait la beauté rose de sa femme (…). »

J’ai d’abord cru à une faute de frappe, mais non, il s’agit bien d’une « bête » insidieuse, lente et assassine que le personnage agite sans le savoir.
Mieux encore, l’auteur semble poser la question, dans les deux paragraphes qui suivent, de la généalogie de cette « bête » que le langage lui-même susciterait, nourrirait, et qui déclencherait son offensive – après un long travail de sape – au moment même où elle est d’abord suspectée par « l’œil du dentiste », puis découverte, mise à jour :

« Des mois durant, elle a grandi, assassin silencieux adossé à ses mots. Ses mots d’amour, ses mots de sang, ses mots de chef. Peut-être même s’en est-elle nourrie, de la richesse de sa langue. »

« Puis, il y a eu l’œil du dentiste. Et la chute juste après. Quand il a froncé le sourcil, la bête est née. »

Un peu plus loin la « bête » est nommée : « cancer ».
Avec lui, tout l’armement lourd de la thérapie : chimio, chirurgie, et la « peur » bien sûr, l’inéluctable « peur » :

« Il avait peur. Il n’avait jamais eu peur avant. Il avait éprouvé des craintes, des angoisses, des tensions, toutes choses que l’on nomme communément « peur ». Mais ce n’était que de bien pâles ersatz, face à celle qui se dressait toute bleue derrière lui dans le miroir. »

Je pourrais citer encore plusieurs passages de ce beau texte mais l’auteur pourrait me reprocher de tenter de briller avec sa propre lumière, et je respecte trop Désirée Thomé (qui par ailleurs compose d’excellentes poésies érotiques ; je tiens à le souligner car l’exercice est difficile et exige de l’élégance) pour avoir l’air de profiter de son talent.

En attendant la suite de ce texte (l’auteur n’en a pour l’instant publié que la première partie), en m’excusant auprès d’elle pour lui avoir piqué sa mise en page, en espérant qu’il se trouvera un éditeur assez clairvoyant pour l’acheter et le publier sur papier, ce texte, et en conseillant à Désirée Thomé de participer à des concours de nouvelles (il existe des concours sur manuscrit), je prends ici congé et vous recommande une fois encore le site « Aubes vives ».

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 8 février 2008

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Commentaires
D
Merci Patrice. Il y a des textes que l'on porte longtemps en soi. Je pourrais dire que j'ai porté ces deux moitié d'un même combat pendant quinze ans. Ce sont en fait deux témoignages accolés. Un homme, une femme. Dans toute leur fragilité face à la maladie, et l'éventualité de leur mort. "Vivre" me tient particulièrement à coeur.<br /> <br /> Je suis très touchée par votre analyse. Elle me touche d'autant plus qu'elle ajoute de précieuses lumières à mes simples mots. Vous êtes un fameux lecteur!<br /> <br /> Amitiés DT
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